Interview Magazine : Michael Jackson et Pharell Williams – Août 2003

Pour la première fois, Michael Jackson a joué le rôle de l’intervieweur dans l’édition du mois d’août 2003 de « Interview Magazine ». Il y interroge le producteur Pharrell Williams (des Neptunes) dans une conversation téléphonique réalisée le 13 juin 2003.


Michael Jackson: Allô?

Pharrell Williams: Bonjour! Comment ça va vieux?

MJ: Excuse-moi, mais Gregory Peck, qui est mort hier, était un très bon ami à moi, et j’ai aidé sa femme à préparer le service commémoratif et tout ça. Alors je te demande pardon de t’avoir appelé en retard.

PW: Non, mec, j’arrive pas à croire que c’est toi au bout du fil.

MJ: Oh, que Dieu te bénisse.

PW: Merci, Monsieur. Toi aussi.

MJ: Merci. Alors, c’est moi qui t’interview, c’est ça? Et je crois que c’est sept questions, ou quelque chose comme ça?

PW: Bien sûr, comme tu veux.

MJ: Ok. A ton avis, qu’est-ce qui t’inspire pour ta musique? Qu’est-ce qui t’inspire pour créer ta musique?

PW: C’est une sensation. On traite l’air comme une toile, la peinture devient les cordes qui te viennent entre les doigts, qui sortent du clavier. Donc quand je joue, c’est comme si je peignais une sensation dans l’air. Je sais que ça peut sembler un peut simpliste, mais-

MJ: Non. Non, c’est l’analogie parfaite.

PW: Et quand tu sais que c’est fini, tu sais que c’est fini. C’est comme peindre ou sculpter. Quand on le laisse partir c’est qu’on sait que c’est fini. C’est achevé. Et vice versa-ça te dit, « Hé, je suis terminé. »

MJ: Oui. Et ça refuse de te laisser dormir avant que ce soit fini.

PW: C’est ça.

MJ: Oui, c’est pareil pour moi. [rires] Et que penses-tu de la musique d’aujourd’hui – est-ce que tu aimes les nouveaux sons qui sont créés et la direction que prend la musique?

PW: Eh bien, personnellement, j’ai l’impression de prendre pour modèle des gens comme toi et Stevie Wonder et Donny Hathaway, et je fais ce qui me semble le mieux.

MJ: D’accord.

PW: Tu sais, comme quand tout le monde allait dans le même sens, toi tu es allé « Off The Wall » (contre les conventions).

MJ: Oui. [rires]

PW: Et quand tout le monde est allé dans un autre sens, tu as fait Thriller. Tu as fait ce que tu voulais. Et j’apprends de gens comme toi, comme le fait de ne pas avoir peur d’écouter ses sentiments et de transformer ses aspirations et son ambition en musique. Les concrétiser, les matérialiser.

MJ: C’est magnifique. C’est superbe. Tu as dit ça très bien. Je voulais te demander-est-ce que tu ressens ça comme moi, comme si c’était presque une grossesse, comme donner naissance à quelqu’un? Ecrire une chanson c’est comme avoir un enfant, et une fois que la chanson est terminée, c’est comme laisser l’enfant partir dans le monde. Ca t’arrive de ressentir ça, comme si c’était dur de le laisser partir?

PW: Tu sais quoi? J’ai fait une interview l’autre jour pour présenter un clip, et j’avais peur de le laisser partir. C’était pour un clip, mais pour moi le clip, c’est la seconde partie de la chanson parce que c’est l’interprétation donnée dans une perspective visuelle. Donc oui, c’est complètement ce que je pense. Et c’est comme quand on fait écouter des choses aux gens qu’ils ne comprennent pas, c’est comme si son enfant avait fait quelque chose et tout le monde nous pointe du doigt et on dit, « Attendez! C’est mon gamin! » Bon, je ne suis pas papa, mais j’imagine que ce serait comme ça – du moins c’est ce que je ressens pour mes chansons.

MJ: D’accord. Alors les différentes formes de musique -la pop culture- que la race noire a introduites, du jazz à la pop, au rock-n-roll, au hip hop, il y en a tellement, c’est quoi tout ça à ton avis? Est-ce un don de Dieu?

PW: Je crois que toute la musique est un don de Dieu. Et [un fan l’interrompt] Michael, tu peux attendre une seconde? [Williams parle au fan pendant quelques secondes, et continue à parler à Michael] Excuse-moi.

MJ: [rires] Le blues, le rock-n-roll, toutes les différentes formes de musique populaire – le rock-n-roll a été inventé par Chuck Berry, Little Richard, Fats Domino.

PW: Absolument.

MJ: Même les danses qui vont du cakewalk au Charleston, ces manières de danser. Tu ne penses pas que c’est un don de Dieu?

PW: Absolument. Dieu nous a fait ce don quand il nous a fait le don de l’interprétation. Quand tu écris tes paroles, tu écris à quelqu’un, ou au monde. Quand tu joues, tu joues quelque chose destiné à être entendu par le monde. Quand tu danses, tu danses pour que les gens te voient. C’est une forme d’expression. Et puis il y a des moments ou tu es peut-être un peu plus introverti, quand tu danses, écris, ou que tu joues pour toi, et tu n’as pas idée d’à quel point ce que tu fais est génial, jusqu’à ce que quelqu’un d’autre te le dise, ou jusqu’à ce que tu l’enregistres et que tu le regardes après.

MJ: Exact. Quels sont certains des artistes plus anciens – pas les artistes à la radio aujourd’hui – qui t’ont inspiré étant plus jeune? Comme les artistes que ton père écoutait, tu as appris quelque chose de ces artistes?

PW: Absolumlent. Les Isley Brothers.

MJ: Ouais, moi aussi. J’adore les Isley Brothers. Et j’adore Sly & the Family Stone.

PW: Donny Hathaway, Stevie Wonder.

MJ: Tu aimes les mêmes que moi. [rires]

PW: Those chord changes. Ils te transportent.

MJ: Magnifique, magnifique. Ok, tu es où là? A New York?

PW: Je suis à Virginia Beach, en Virginie, Monsieur.

MJ: En Virginie! Oh, magnifique. Tu pourras donner mes amitiés à la Virginie?

PW: Oui. Merci.

MJ: Et ta mère et tes parents? Parce que Dieu t’a béni de dons précieux.

PW: Merci, Monsieur. Et je voulais juste dire quelque chose, et je ne sais pas si tu veux l’entendre, mais je dois le dire parce que j’ai ça sur le coeur. Mais les gens t’ennuient-

MJ: Oui.

PW: -Parce qu’ils t’aiment. C’est la seule raison. Quand tu fais quelque chose que les gens ne comprennent pas forcément, ils le transforment en quelque chose de plus grave que pour quelqu’un d’autre parce que tu es l’un des hommes les plus talentueux qui ait jamais existé. Tu as accompli et réalisé plus que la plupart des autres hommes pendant ce siècle.

MJ: Eh bien merci beaucoup. C’est très gentil à toi.

PW: Ce que tu fais est tellement incroyable. Quand tu auras 100 ans, et ils inventeront encore des histoires sur ce que tu as retouché sur ci ou ça sur ton corps, tu dois me croire, si tu décidais de tremper ton corps tout entier dans du chrome, tu es tellement incroyable que le monde, quoiqu’ils puissent dire, sera là pour le voir. Et c’est grâce à ce que tu as accompli dans le monde de la musique, et en changeant la vie des gens. Les gens ont des enfants en écoutant tes chansons. Tu as touché le monde.

MJ: Merci beaucoup. Plus la star est grande, plus la cible est importante. Tu sais quand tu – et je ne fais pas de la fausse modéstie ou quoi que ce soit – mais on sait qu’on est au sommet quand ils commencent à nous jeter des pierres. Même Jésus a été crucifié. Les gens qui illuminent le monde, du Mahatma Gandhi à Martin Luther King à Jésus Christ, même moi. Et ma devise a été Heal the World, We are the world, Earth Song, sauvez nos enfants, aidez notre planète. Et les gens veulent me persécuter pour ça, mais ça ne me blesse jamais, parce que mes fans deviennent encore plus forts. Je suis résistant. J’ai une peau de rhinocéros. Rien ne peut me faire mal. Rien.

PW: Eh bien, c’est précisément ce que je pense. Je veux juste que tu saches que tu es incroyable, mec. Ce que tu fais à la musique, de « Billie Jean » à « That’s What You Get (For Being Polite) »-[il chante « That’s what you get for being polite »].

MJ: Oh, tu la connais? [rires]

PW: [il chante « Jack still sits all alone »]

MJ: Wow, tu connais toutes ces chansons.

PW: Quand tu fais ça, tu le fais au monde.

[il continue à chanter « Jack still sits all alone »] MJ: [il fredonne un air de guitare]

PW: Si je ne travaille jamais avec toi, sache qu’on ne peut pas t’arrêter. C’est pour ça que j’ai dit, quand tu auras 100 ans et que tu décides de tremper ton corps dans du chrome, même s’ils disent pas mal de choses – et je me fiche de ce qu’ils disent de toi, Monsieur – ils seront là pour le voir.

MJ: Il y a beaucoup de jalousies. J’aime toutes les races, j’aime tous les peuples, mais parfois il y a le diable à l’intérieur des gens, et ils deviennent jaloux. Chaque fois qu’une lumière se surpasse dans ses efforts, les gens ont tendance à devenir jaloux et essaient de la descendre. Mais ils ne peuvent pas faire ça parce que je suis très, très, très fort. [rires] Cela dit, ils ne le savent pas.

PW: Ils le savent! Crois-moi, ils le savent!

MJ: Quelqu’un d’autre aurait craqué depuis le temps; ils ne peuvent pas me faire craquer. Je suis très fort.

PW: Bien sûr. Ils ne pouvaient pas te faire craquer quand tu avais 10 ans, parce que tu détruisais des hommes adultes avec ta voix et ton talent. Et puis quand tu avais 20 ans, tu dépassais des gens qui faisaient ça depuis 20 ou 30 ans. Et de nos jours ils veulent encore voir ce que tu fais. Ils veulent voir tes enfants, ils veulent voir ton monde. Tu es génial, et je voulais juste te dire ça, mec. Et j’espère que tout ça sera imprimé parce que c’est très important pour moi. J’espère que je serai aussi génial que toi un jour.

MJ: Oh, que Dieu te bénisse. Tu es merveilleux aussi. Merci infiniment.

PW: Merci, mec.

MJ: Je te souhaite une très bonne journée.

PW: Toi aussi, Monsieur.

MJ: Merci. Au revoir.

PW: Au revoir.

Traduction réalisée par Birch pour MJFrance.