Interview…

Le magazine américain « Interview Magazine » du mois de février contient une nouvelle interview de Michael Jackson par le célèbre réalisateur Brett Ratner (« Rush Hour »). Voici pour vous la traduction de cette interview :

Introduction de Brett Ratner« Oublie tes drames personnels. On se fait tous critiquer dès le départ, et c’est justement quand on t’aura fait profondément mal que tu arriveras à écrire sérieusement. Alors une fois que tu ressentiras cette douleur, utilise-là, mais ne t’en sers pas pour tricher. Reste-lui aussi fidèle qu’un scientifique, mais ne va pas croire qu’un événement a la moindre importance uniquement parce qu’elle t’es arrivée à toi ou à quelqu’un qui dépend de toi. »
Ces paroles citées dans le film « The Kid Stays in the Picture » de Robert Evans étaient le conseil qu’Hemingway aurait donné à F. Scott Fitzgerald il y a soixante-dix ans. Elles demeurent tout aussi valables aujourd’hui.
D’ailleurs quand on parle des désirs, des blessures, de l’euphorie de la vie : c’est pas facile d’être un génie, il faut en payer le prix fort… Comme Mozart par exemple, dont on se souviendra bien plus longtemps que de Napoléon. Michael Jackson comprend cette ironie. Je n’ai jamais rencontré personne qui ait une telle passion, un tel amour pour les arts du divertissement. L’on se souviendra de son travail, de son excellence et de sa vision bien plus longtemps que de ceux qui le jugent sans aucune pitié.
Michael et moi avons passé des journées, des semaines, des mois ensemble. Notre relation se base sur notre amour du cinéma. Nous avons regardé beaucoup de films ensemble, et celui que nous préférons tous deux est « Charlie et la chocolaterie » ! Quelques mois avant l’affaire récente, lui et moi étions en vacances ensemble. Il lui est souvent arrivé de me mettre un caméscope en pleine figure et de me poser des questions. Voici ce que Michael fait avec ses amis : il devient un scientifique et les dissèque à travers des questions de manière à en apprendre toujours plus. Il m’a souvent demandé comment mes rêves d’enfant étaient devenus réalité, pourquoi je voulais être réalisateur. Alors j’ai décidé que c’était à mon tour de lui demander quels étaient ses rêves d’enfant à lui.
Après mon interview, je suis sorti acheter tous les disques qu’il a mentionnés et je les ai écoutés, ce qui m’en a fait comprendre un peu plus sur Michael. Ce que vous êtes sur le point de lire est une conversation très privée et personnelle entre deux amis.

Brett Ratner : Est-ce que tu as un mentor ou quelqu’un qui t’a inspiré  ?
Michael Jackson : Oui : Berry Gordy, Diana Ross, Thomas Edison, Walt Disney, James Brown, Jackie Wilson.

BR: Et qu’est-ce qu’ils t’ont appris?
MJ : J’ai beaucoup appris venant d’eux : comment être un visionnaire, comment être créatif, comment faire preuve de persévérence et de détermination, comment avoir la volonté de ne jamais laisser tomber quoi qu’il arrive, tu vois ?

BR : Quel a été ton premier travail dans l’industrie de la musique et comment l’as-tu obtenu ?
MJ : Mon premier travail, c’était sans doute… Wow, je ne me souviens pas, ça fait si longtemps. J’avais environ six ans. C’est peut-être chez Mr Lucky’s [ndt: un bar de la ville de Gary, Indiana]. Je crois que c’était une boîte de nuit – ouais, à Mr Lucky’s. On s’est produit là-bas.

BR : Et comment tu as obtenu ce travail ?
MJ : Je ne sais pas, mon père saurait. Moi j’étais trop petit.

BR : Quand est-ce que tu as réellement percé et quel a été le premier gros événement qui t’ait beaucoup marqué ?
MJ : On a vraiment percé quand on a signé chez Motown. On a passé une audition à Détroit, et après ça Berry Gordy a invité tous nos artistes préférés (ceux qu’on voyait étant gamins) dans une petite ville de l’Indiana : Diana Ross, Smokey Robinson et les Miracles, les Temptations et Stevie Wonder – ils étaient tous là. Et ça se passait dans une maison immense, près de la piscine intérieure, il y avait du marbre partout… On a chanté devant eux et ça les a rendus fous ! Ils ont adoré. Et [Berry Gordy] nous a dit : « Les garçons, on vous prend ! »

BR : C’est vrai ?
MJ : Oui.

BR : Et tu te souviens de ce jour-là ?
MJ : Oh oui, je m’en souviens.

BR : Quels sont les éléments de ton travail qui te donnent envie d’aller travailler tous les jours ?
MJ : J’ai envie de travailler chaque jour – rien qu’à l’idée de créer des mondes, des univers. C’est comme prendre une toile, une toile vierge, tu sais, une ardoise propre. On te donne de la peinture, et on colorie, on peint, on créé des mondes. J’adore cette idée. Et j’aime aussi me dire que les gens peuvent voir le travail accompli et que cela peut les impressionner.

BR : Quelles sont les qualités chez toi qui t’ont fait arriver là où tu es aujourd’hui  ?
MJ : La foi et la détermination. Et puis le travail.

BR : D’accord. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Qu’aurais-tu fait différemment au cours de ta carrière si tu savais ce que tu sais aujourd’hui ?
MJ : Ce que j’aurais fait différemment ? Voyons voir… J’aurais travaillé plus.

BR : Travaillé plus ?
MJ : Je travaillais beaucoup.

BR : Ca tu peux le dire ! [Michael rit] Mais tu aurais travaillé encore plus  ? [Michael hoche la tête] Quelle est la leçon la plus importante que tu ais apprise ?
MJ : De ne pas faire confiance à tout le monde. De ne pas avoir confiance en tout le monde dans cette industrie. Il y a beaucoup de requins. Et les maisons de disque volent, elles trichent… Il faut s’en méfier. D’ailleurs, il est temps que les artistes arrêtent de se laisser faire par les maisons de disque, parce qu’elles exploitent totalement [les artistes]. Complètement. Elles oublient que ce sont les artistes qui font ces entreprises, et pas le contraire. Sans les talents, l’entreprise ne serait qu’un ensemble de briques et de ciment. Et elle a besoin de très bons talents que le public a envie de voir.

BR : Quels sont quelques uns de tes albums préférés ?
MJ : Je dirais que mes albums préférés sont « Casse-noisette » de Tchaïkovski, les plus grands titres de Claude Debussy, comme « Claire de Lune », « Arabesque » et « Après-midi d’un faune ». J’adore « What’s going on » de Marvin Gaye, « Live at the Apollo » de James Brown, la bande originale de « La mélodie du bonheur ». J’adore Rodgers and Hammerstein. J’adore vraiment les auteurs de musiques de comédies musicales, et j’adore le trio Holland-Dozier-Holland de Motown – c’étaient des génies. Il y a tant d’auteurs géniaux. Il y’en a tellement.

BR : Il y a d’autres grands albums qui te viennent en tête ? Plus contemporains ?
MJ : De bons albums… c’est difficile parce que les albums d’aujourd’hui contiennent une ou deux chansons géniales mais le reste est nul.
BR : Ou bien quelque chose de plus vieux, comme Marvin Gaye ou Sly…
MJ : Sly and the Family Stone, j’adore tout ce qu’ils font. Stevie Wonder est un génie.
BR : Quel album ?
MJ : Tous. « Talking book ». J’adore quand il a fait « Living for the city. » J’ai oublié le nom [de l’album]. Il était formidable. Je crois que c’était « Innervisions » – fantastique. En entendant cette musique je me suis dit : « Je peux faire ça, et je crois pouvoir le faire à un niveau international. »

BR : Vraiment ?
MJ : Oui, et puis quand les Bee Gees sont apparus dans les années 70, ça a été le déclic. J’en pleurais. Je pleurais en écoutant leur musique. J’en connaissais chaque note, chaque instrument.

BR [chante] : « This broken heart… »
MJ [chante] : « How can you mend… »
BR [chante] : « This broken heart… »
MJ : Et [chante] « How can you stop the rain from falling down? » J’adore ça. [Il chante avec Brett] « How can you stop the sun from shining? What makes the world go ’round. » J’adore ça. Et quand ils ont fait « Saturday Night Fever » ça m’a suffi pour me donner vraiment envie. Je me suis dit : « Je dois faire ça, je sais que j’en suis capable. » Et puis c’est parti avec « Thriller ». Et du coup je me suis mis à écrire des chansons. J’ai écrit « Billie Jean », j’ai écrit « Beat it », « Startin’ somethin. » Je n’arrêtais pas d’écrire. Ca m’amusait.

BR : Tu avais des posters dans ta chambre quand tu étais gamin ?
MJ : Ouais, de Brooke Shields, partout. Mes soeurs en étaient jalouses et les arrachaient du mur.

BR : Quels sont les meilleurs concerts que tu ais vus ?
MJ : James Brown, Jackie Wilson. Les vrais artistes, les artistes authentiques, ceux qui te filent la chair de poule.

BR : James Brown ? Où est-ce que tu l’as vu ?
MJ : On devait généralement monter sur scène après lui. En fait il passait en premier et ensuite nous on venait pour la partie réservée aux artistes amateurs. Donc moi j’étais dans les coulisses à étudier chacun de ses pas, chaque geste.

BR : A la télé ?
MJ : Non, à l’Apollo.

BR : Pendant l’heure consacrée aux amateurs à l’Apollo, oui. Et tu l’as vu chanter ?
MJ : Oui, et puis Jackie Wilson. Tout le monde : les Delphonics, les Temptations.

BR : Mais est-ce que tu te souviens d’un spectacle en particulier ? Tu as vu les Temptations aussi  ?
MJ : Ouais.

BR : Mais est-ce qu’il y a eu un spectacle où tu t’es dit : « Oh mon Dieu » ?
MJ : James Brown, Jackie Wilson.

BR : A l’Apollo?
MJ : Oui, ils me faisaient pleurer. Je n’ai jamais rien vu de tel. Ce genre d’émotion, ce type de fièvre, de sensation – c’est comme s’ils étaient dans une espèce d’avion spirituel qui allait très haut. C’est comme s’ils étaient en transe, et le public leur mangeait dans la main. J’adorais tellement la façon dont ils arrivaient à contrôler [le public] comme ça, cet espèce de pouvoir. Quand ils chantaient ils avaient des larmes qui leur coulaient sur le visage. Ils étaient à fond dans leur numéro.

BR : Quelles sont certaines de tes chansons préférées ?
MJ : Mes chansons préférées de toutes ? J’adore franchement Burt Bacharach. Tout ce qui est de Motown. Les Beatles, comme « Eleanor Rigby », « Yesterday »… Tous ce qui vient des Supremes… Tout ça c’est génial. Je crois que dans les années 60 il y avaient certaines des plus belles mélodies qu’on ait jamais entendues entre Peter, Paul and Mary, et tous ces gens-là. Les Mamas and the Papas étaient merveilleux. Et les Drifters datent d’un peu plus loin que ça, mais j’adore leur chanson « On Broadway » – des génies. Les chansons les plus simples sont les meilleures je trouve. J’aime « Alfie », c’est si beau. Il y en a tellement… Pareil pour les films, il y a tellement de grands films.

BR : Fais-moi la liste des choses qui pourraient servir à quelqu’un qui veut percer dans le monde de la musique.
MJ : Croire en soi. Etudiez les plus grands et devenez encore meilleur qu’eux. Faites comme un scientifique. Disséquez. Disséquez.

BR : Tu as dit quelque chose juste avant : ne laissez pas tomber.
MJ : Quoi qu’il arrive. Ca m’est égal que le monde entier soit contre vous ou qu’ils vous charrient en disant que vous n’y arriverez pas. Croyez en vous quoi qu’il arrive. Certains des plus grands hommes qui ont laissé leur empreinte dans ce monde ont été traités de cette manière, tu sais, avec des gens qui leur disaient : « Tu ne vais pas y arriver, tu n’iras nulle part. » On riait au nez des frères Wright. On se moquait de Thomas Edison. On se moquait de Walt Disney. On faisait des blagues aux dépends de Henry Ford en racontant qu’il était stupide. Disney a dû quitter son école. Voilà jusqu’où les gens sont allés [pour descendre ces hommes]. Ces hommes ont remodelé et changé notre culture, nos coutumes, notre manière de vivre, de faire les choses. Et je crois que Dieu plante ces graines à travers ces gens sur la terre. D’ailleurs je pense que tu en fais partie, je fais également partie de ceux qui apportent du bonheur, qui permettent aux gens de s’échapper de la réalité, qui leur apportent de la joie, de la magie. Parce que sans divertissements, de quoi aurait l’air le monde ? Tu vois ce que je veux dire ? De quoi ça aurait vraiment l’air ? Ce serait un monde totalement différent pour moi. J’adore le divertissement. Et ce que je préfère c’est le cinéma, le pouvoir et la magie des films. C’est la plus grande, la plus expressive de toute forme d’art. Je crois que cela touche l’âme. La musique et les films sont [les formes d’art] les plus expressives. C’est presque comme pour la religion, on s’y implique tellement, on se prend totalement au jeu. On est différent quand on rentre dans un cinéma que quand on en sort. Cela vous touche à ce point-là. C’est puissant. Je pense que c’est fort. J’adore ça.

BR : C’est quand on arrive à faire ressentir des choses au public…
MJ : Oui, oui.

BR : Ils s’identifient au film.
MJ : Oui, ils vivent le film, ils en font partie. Ils oublient qu’ils sont assis dans un fauteuil.

BR : Oui, je me souviens avoir vu « La guerre des étoiles » au cinéma quand j’avais sept ans. C’est une expérience différente pour Prince ou Paris qui le voient aujourd’hui en DVD, 27 ans plus tard. Je l’ai vu quand c’est sorti avec le choc et l’émerveillement de l’époque. Personne n’avait jamais rien vu de tel. Il y avaient des queues immenses, et je n’ai même pas pu rentrer la première fois. J’ai dû revenir le lendemain pour réessayer. Le fait de me souvenir que je voulais voir ce film aussi désespérément à l’âge de sept ans rend cette expérience encore plus inoubliable. La première fois qu’on voit quelque chose comme ça, ça vous marque à vie. C’est comme écouter une chanson ou voir un artiste chanter pour la première fois. Voir James Brown, et ce moment où tu en avais les larmes aux yeux, c’est différent que de l’entendre à la radio vingt ans plus tard.
MJ : Je ne pourrais pas te dire à quel point c’était extraordinaire. J’adore les grands artistes, les grands interprètes, les grands hommes de spectacle, les grands conteurs. Rien qu’à les regarder on est hypnotisé. Ca nous emballe. J’adore ça. Un seul projecteur, baby.

BR : Frank Sinatra.
MJ: Oui. Ces mecs-là sont cools. Et Sammy Davis aussi… J’adore ça, tout ça. C’est magique, c’est vraiment magique.

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