Mon ami Michael, par Jonathan Margolis – Mars 2001

Article écrit par Jonathan Margolis, journaliste du Mail On Sunday, suite à sa rencontre avec le Roi de la Pop lors de sa venue en Grande-Bretagne pour son discours à l’Oxford Union, le 6 mars 2001.

 

Mon ami Michael, le véritable homme-enfant derrière le masque

Cette semaine un rabbin, un tordeur de cuillères et une superstar ont entamé une drôle de tournée de l’Angleterre. Leur ami JONATHAN MARGOLIS les a rejoints: son reportage unique offre une vue de l’intérieur du monde étrange de Michael Jackson – et il a peut-être même été témoin du moment où la star torturée a fait la paix avec son père.

Par Jonathan Margolis, extrait du Mail On Sunday, Mars 2001

On m’a appelé à deux heures du matin.

On dit que ce qu’il y a de pire qu’un faux numéro en pleine nuit est un bon numéro justement, car cela annonce toujours une tragédie. Dans mon cas cependant, un bon numéro aux aurores a apporté l’une des plus remarquables occasions imaginables pour un journaliste.

« Vous aimeriez venir rencontrer Michael Jackson quand il arrivera à l’aéroport de Heathrow à 9h et passer une partie de la semaine avec lui? » a demandé une voix américaine qui m’était familière.

Mon correspondant était Shmuley Boteach, mon ami rabbin hyperactif qui, dans l’une des collaborations les plus imprévisibles du show-business, est devenu le gourou et ami de la légende de la pop Michael Jackson et, la semaine dernière, son associé dans la création d’une œuvre de charité.

Naturellement, j’ai accepté la proposition de Shmuley et, quelques heures plus tard, j’allais entrer pour la seconde fois en quelques mois dans le tourbillon qu’est la vie de ce chanteur de 42 ans, un jour décrit par Bob Geldof comme « l’homme le plus connu de la planète, que Dieu lui vienne en aide ».

Dans les coulisses de l’une des histoires de célébrités les plus extraordinaires, j’allais me retrouver à écouter Michael en pyjama en train de peaufiner son discours pour l’Oxford Union, j’allais le faire rire à une de mes blagues à l’arrière de sa voiture, et j’allais l’entendre passer l’un des coups de fil les plus émouvants de sa vie alors que nous étions au-dessus du fleuve Hammersmith, à l’Ouest de Londres.

Michael Jackson venait en Angleterre pour lancer sa fondation Heal The Kids, basée aux Etats-Unis, par un discours à l’Université d’Oxford, et pour être témoin au mariage de Uri Geller, en guise de remerciement envers ce dernier pour l’avoir présenté à Shmuley il y a deux ans.

Cela avait été un week-end tendu pour Shmuley. Le voyage de Jackson, prévu depuis longtemps, avait été remis en cause à la dernière minute lorsqu’il s’était brisé deux os du pied en tombant dans les escaliers, puis par une grève aérienne, et enfin par une tempête de neige à New York.

Alors il n’y avait pas que les cyniques qui doutaient de la venue de Michael à Oxford. Le rabbin, lui aussi, devenait visiblement nerveux. Au moins un an de travail lui avait été nécessaire pour arriver à faire en sorte que Michael s’exprime à Oxford, et cela malgré les avis selon lesquels la mégastar controversée aurait pu recevoir un accueil hostile de la part des étudiants.

Mais quelques minutes avant de m’appeler, le rabbin Shmuley avait reçu une confirmation venant des États-Unis. Michael Jackson était dans le plâtre, il avait mal et avait des béquilles, mais il était surtout sur un vol en provenance de l’aéroport JFK [note: à New York].

En novembre, j’étais resté une semaine avec Michael à New York pour écrire un article dans un magazine américain. Aujourd’hui Shmuley voulait que j’approfondisse mon témoignage en me permettant de l’approcher encore un peu plus sur la manière dont Jackson, qui ce mois-ci devient un Ambassadeur Spécial des Nations Unies pour l’Enfance à la demande de son ami Nelson Mandela, entre autres, est en train de passer du statut de chanteur à celui de personnalité internationale incontournable – du moins c’est ce qu’espèrent ses partisans les plus influents.

Shmuley s’est donné la mission de convaincre le monde que Michael qui a divorcé deux fois n’est peut être pas très conventionnel pour certaines choses, mais qu’il a bon cœur, que c’est un homme fondamentalement innocent dont le désir de sensibiliser les adultes aux besoins des enfants mérite d’être entendu.

Alors nous étions là, en route pour l’aéroport dans un taxi.

Le personnel de Michael, une tribu de types baraqués, était déjà là, bien entendu.

Il y avaient ses assistants américains, des hommes trapus, silencieux et vigilants, et puis les chauffeurs, tous Anglais et habitués à promener les stars dans des convois de Mercedes à vitres teintées ou des monospaces. Il y avait même un photographe engagé pour filmer et photographier tous les gestes de Michael pour ses archives personnelles.

Ensuite sont arrivés ceux qui voyagaient avec Michael: son jeune manager, son médecin Libanais, qui était là pour soigner le pied cassé du chanteur, et puis encore d’autres grands gaillards qui gardaient un oeil sur tout ce qui se passait.

Normalement, il y aurait également eu la gouvernante des enfants de Michael, une jeune femme gentille et raisonnable qui prend soin des Jackson 2: Prince et sa sœur Paris. (Il se trouve finalement qu’il n’y a pas une troupe de douze nounous, comme on l’entend souvent, mais une seule).

Les enfants de Michael (de sa seconde femme, l’infirmière Debbie Rowe) sont deux enfants impeccablement bien élevés, pas pourris gâtés, et effroyablement intelligents.

Pour une fois leur père avait décidé de ne pas les emmener avec lui, parce qu’il avait peur qu’ils se fassent prendre en photo, ce dont il a horreur après avoir été constamment chassé par les paparazzi pendant son enfance.

Tandis que Michael et ses hommes passaient la douane, les quatre voitures qui leur étaient réservées se préparaient à passer sur le parking public de l’aéroport, près de gens qui sortaient de leurs voitures pour partir en vacances.

À mon grand étonnement, Michael portait son masque en soie noire, un accessoire qui n’était pourtant pas apparu une seule fois, que ce soit en privé ou lorsque nous étions sortis dans New York, même pas quand je l’avais rencontré au Japon il y a des années.

En effet, j’ai toujours expliqué aux gens que le masque était encore un de ces légendes, de même que l’histoire du caisson à oxygène et les rumeurs selon quoi Michael jetterait les jouets de Prince et Paris à la poubelle après leur première utilisation à cause des microbes. Je sais que ces deux rumeurs sont fausses.

Lorsque nous avons dîné chez les Boteach dans le New Jersey à Thanksgiving, Michael m’a raconté que la légende du caisson à oxygène est venue d’une plaisanterie qu’il avait faite à un photographe après s’être allongé dans un caisson qu’il avait acheté pour un hôpital pour enfants, et en sortant il avait dit « Wow, si j’en avais un je pourrais vivre jusqu’à 150 ans! » Le journal The Sun n’avait fait qu’un bond et c’est ainsi que l’étiquette de « Wacko Jacko » [Jacko le Taré] que Michael méprise est née.

Le malaise physique de Michael à Heathrow était palpable aussi. Il était stressé et épuisé, il marchait tant bien que mal avec des béquilles et faisait tout son possible pour se tenir droit.

Il était trop concentré à simplement marcher pour saluer qui que ce soit à part le rabbin Shmuley, et malheureusement pour moi, ses béquilles et sa jambe qu’il devait allonger ont pris ce qui devait être ma place dans son monospace.

J’ai donc suivi le convoi jusqu’à l’hôtel Lanesborough à Londres avec un chauffeur de 67 ans, Stan, qui travaille pour Michael depuis que le chanteur est adolescent. Stan m’a éclairé sur le sujet du masque chirurgical. « C’est pour les fans et vous autres les journalistes, non? » a-t-il dit en riant.

« S’il le met, cela lui garantit d’avoir sa photo dans les journaux le lendemain. N’oubliez jamais que Michael est un showman. »

Les fans étaient présents en masse derrière l’hôtel de Michael, dont des douzaines qui campaient dans des sacs en plastique sur le trottoir pour apercevoir leur idole.

Tandis que Michael s’installait dans sa suite, j’observais son caméra-man marchant dans la foule qui hurlait et criait des messages pour Michael devant la caméra en pleurant. C’était à la fois touchant et troublant.

En haut, dans la suite, Michael voyait son médecin. Quand il est ressorti je me suis demandé s’il allait se souvenir de qui j’étais. Il m’a cependant remarqué et m’a accueilli avec un petit salut militaire amusant. Je ne sais absolument pas s’il m’a vraiment reconnu, mais il a plutôt bien réussi à me le faire croire.

Le maquillage de Michael et son comportement timide et calme donnent l’impression qu’il est complètement détaché et inconscient de ce qui se passe autour de lui, mais il a pratiquement une vue à 360° et manque rarement quelque chose.

Forcément, tout le monde veut savoir comment est réellement cet homme mystérieux. En ce qui me concerne, je le trouve enfantin, drôle, généreux, plein d’attentions tout en étant assez exigeant, et toujours très poli. Contre toute attente il est aussi cancanier, mais jamais vraiment malveillant dans ses propos. Par exemple, il a un serpent qu’il a appelé Madonna pour plaisanter, mais il tient toujours à préciser qu’il adore sa rivale en tant que superstar numéro un.

Il a une voix légère avec un net accent de l’Amérique de l’Ouest, et même s’il parle doucement et d’un air rêveur, il rit fort et souvent, surtout lorsqu’il s’agit d’une plaisanterie qui touche au physique. Il est mort de rire de voir quelqu’un se cogner dans quelque chose ou des gens qui se jettent de la nourriture. Il déteste le moindre juron et pose des questions sans arrêt. Il écoute attentivement, vous regarde avec des yeux très légèrement suspicieux, et en ne prononçant que quelques mots, il s’assure qu’on l’écoute bien. Quant à son apparence, je ne prétends pas tout-à-fait comprendre pourquoi il cultive une telle image qu’est la sienne, mais je suis persuadé que cela a avoir avec la timidité et la volonté de se cacher. De près on voit très bien les traces de la chirurgie esthétique, et on dirait désormais qu’il se bat contre le processus naturel de l’âge. Je n’ai aucune raison de ne pas croire (et justement certaines raisons de croire) qu’il souffre bel et bien d’une maladie qui lui éclaircit la peau, et je sais qu’il est fier de sa culture noire-américaine.

Il a déclaré à Jackie Onassis, qui l’a aidé pour son autobiographie « Moonwalker », qu’avant il portait des masques pour se cacher ; on sait aussi que son père, le fameux sévère et exigeant Joseph Jackson, lui répétait souvent étant enfant qu’il était laid, ce qui a laissé des cicatrices.

Michael me fait penser à un adolescent anorexique qui n’est jamais totalement satisfait de l’image que lui renvoi le miroir et veut sans arrêt la changer.

Michael voulait dormir quelques heures alors nous nous sommes mis d’accord pour le voir plus tard, étant donné que Shmuley avait une liste de problèmes d’ordre caritatifs dont il voulait lui parler. J’allais avoir la permission de me joindre à eux en tant qu’observateur une fois de plus.

Ce soir-là, alors que Michael et son mentor étaient en pleine conversation, on a frappé à la porte de la suite. Michael m’a demandé si je voulais bien aller ouvrir. C’était Macaulay Culkin, qui était à Londres pour sa pièce de théâtre à West End [note: « Madame Melville »], et était venu passer un peu de temps avec Michael. « Salut, espèce de grosse tête de babouin! », dit Culkin à son ami.

Que l’on comprenne les histoires de Peter Pan de Michael Jackson ou non, c’est quelque chose à propos duquel il est réellement sérieux. Il explique d’ailleurs qu’il n’aime pas vraiment les adultes et n’est pas fier d’en être un, d’où sa complicité avec d’ex enfants stars tels que Culkin qui, comme lui, n’ont pas connu d’enfance.

Nous avons laissé Michael et Macaulay à leurs affaires, c’est-à-dire selon un tabloid rester assis sur le lit de Michael à regarder des films pour enfants.

C’est intéressant de voir que lorsqu’il s’agit de Michael les gens disent que ce qui les refroidit chez lui sont les accusations (qui, au bout du compte, ont été vaines et n’ont pas été prouvées) d’attouchements sur mineur au début des années 90, et le fait qu’il ait réglé l’affaire en payant 18 millions de dollars pour faire taire son accusateur.

Lorsque je souligne le fait que le procureur local avait par la suite appelé d’autres accusateurs à se manifester mais que personne n’était venu malgré tout l’argent qui était en jeu, ce qui est très surprenant si l’on prend en compte les quelque 10 000 enfants qui vont chaque année chez Michael, à Neverland, les gens changent d’argument anti-Jackson en déclarant qu’il a quand même l’air un peu bizarre – c’est un peu moins grave comme accusation ça, il me semble.

Mais il se peut aussi que je sois déjà devenu trop compréhensif à l’égard de Michael après le temps passé avec lui à New York.

Là-bas je l’ai vu travailler sans relâche sur l’organisation de Heal The Kids, qui « ferait campagne dans le monde entier pour que les parents passent plus de temps avec leurs enfants ».

Il faisait cela malgré la pression exercée par sa maison de disques pour qu’il avance dans l’enregistrement de son album, son premier véritable album depuis presque dix ans.

Je l’ai vu discuter et très bien se débrouiller avec des pédo-psychiatres, des banquiers, des écrivains et de grosses légumes de la société, mais aussi plein d’assurance et plus informel lors d’une conférence téléphonique avec Denzel Washington et Nelson Mandela, à qui il a demandé de rejoindre le conseil de Heal The Kids. (« Je ferai tout ce que tu veux, Michael, » dit Mandela. « Tu sais à quel point je te respecte. ») J’ai aussi écouté Jackson lors de réunions d’affaires, et là encore un homme différent m’est apparu: concentré, calé en chiffres et en affaires, et imaginatif.

Il a tout un tas de projets pour son avenir, qu’il s’agisse d’acquisitions immobilières, de projets d’édition ou d’entreprises liées aux loisirs.

J’ai alors pu voir jusqu’où allait ce qui est, d’après moi, le véritable engagement de Jackson envers les enfants. Mushki, la fille aînée du rabbin Shmuley, s’était plainte à Michael en pleurant, lors d’une de ses fréquentes visites chez les Boteach, d’un garçon qui la malmenait à l’école.

Michael a proposé d’organiser une conférence de paix, qu’il dirigerait, avec les parents du garçon pour arranger le conflit. Et ce n’était pas une promesse en l’air.

Pendant une semaine, Michael a appelé Shmuley et Mushki tous les jours, exigeant de savoir comment avançait l’organisation du sommet. Arrivé au jour de cette rencontre, Michael s’est rendu compte que cela tombait en plein pendant sa séance photo pour la pochette de son nouveau CD.

Alors au lieu d’en changer la date, il a commencé la séance à 5h du matin pour être débarrassé. Finalement, le garçon et ses parents ne sont pas venus au rendez-vous.

Des centaines d’heures d’interviews qu’il a enregistrées avec Michael pour un livre qu’ils sont en train d’écrire ensemble, Shmuley m’a aussi parlé du tourment de Michael à propos de l’assassinat de Jamie Bulger à Merseyside, un sujet avec lequel il a surpris son auditoire à Oxford, mardi dernier.

Certains ont rejeté cette référénce en pensant que Michael essayait d’amadouer l’auditoire en évoquant une tragédie locale, mais en réalité l’intérêt de Michael pour cette affaire remonte à son premier marriage avec Lisa Marie Presley, la fille d’Elvis.

Ils avaient fini par se disputer au sujet de Jamie Bulger pendant un séjour à Londres, où Michael avait outré sa femme en déclarant que, malgré son immense chagrin pour Jamie et ses parents, il s’inquiétait aussi pour les tueurs de Jamie car il était certain qu’ils avaient sans doute vécu une enfance malheureuse – ce qui était effectivement le cas.

Michael refuse de croire au principe qu’un enfant pourrait être fondamentalement mauvais.

Jusqu’à l’automne dernier, Michael se demandait toujours ce qu’étaient devenus les assassins de Jamie, en disant qu’il aurait vraiment aimé pouvoir leur écrire, mais qu’il n’y songerait même pas car sa célébrité leur ferait croire que c’est une récompense, et il savait bien que cela serait inacceptable.

Selon Shmuley, Michael était plutôt démoralisé lorsqu’il s’est rendu compte que son statut de célébrité pouvait parfois être un handicap dans sa mission pour aider les enfants.

J’ai de nouveau rejoint Michael mardi après-midi dans sa suite alors qu’il répétait son discours pour Oxford, discours sur lequel il avait travaillé pendant une semaine avec Shmuley.

Ils avaient déjà pris du retard à cause de la fracture de Michael. Il tenait absolument à prononcer son discours debout, et même à nous le lire tel qu’il le ferait à Oxford, si on oublie son pyjama gris à rayures avec un Mickey Mouse cousu sur la poche, bien sûr.

Sa concentration et l’attention qu’il portait aux moindres détails étaient remarquables. Le point fort du discours devait être le moment où Michael pardonne à son père. À un moment il a lu un passage où il disait que si les Jackson Five faisaient un très bon spectacle, Joseph disait que ça allait, et que si leur spectacle était juste bon, il disait que c’était nul.

« Vous savez, » dit Michael, « j’ai tord de dire ça. Il ne disait jamais que c’était nul, il ne disait rien en fait. Il faut que ce discours soit honnête. » Il s’est tu et s’est assis un moment, tenant une tulipe sortie d’un vase et apparemment perdu dans ses pensées.

Il a modifié ce passage, et c’est après ce triste « rien » qu’il a éclaté en sanglots en pleurant pendant près d’une minute ce soir-là. Certains pensent que c’était de la comédie; je suis certain que c’était sincère, tout comme la plupart des étudiants d’Oxford autour de moi.

Pendant que Michael s’habillait et revoyait son médecin, les heures passaient dangereusement, j’ai fait un petit tour de la suite. Partout reposaient les traces de la sortie shopping à HMV [note: équivalent de la Fnac] que Michael a faite après la fermeture du magasin, accompagné de Macaulay et d’une jolie étudiante blonde de 20 ans, fille d’un ami londonien de la famille, que Michael connaît depuis qu’elle est petite – au cours de laquelle il aurait paraît-il dépensé 2 000 £.

Partout dans la suite Michael avait éparpillé des DVDs de divers films pour enfants, la collection vidéo des documentaires animaliers de David Attenborough (qui était à 49,99 £ au lieu de 59,99 £) et des dizaines de CDs, dont l’album « 1 » des Beatles, dont Michael possède les droits bien entendu, alors en l’achetant il s’offrait quelques royalties.

Je me suis rendu compte qu’il était faux d’affirmer que Michael Jackson aimait uniquement la compagnie des enfants, comme on l’entend souvent. Ce qu’il aime c’est s’entourer de gens qui ont la vingtaine, qu’il connaît depuis qu’ils sont enfants et à qui il peut, par conséquent, faire confiance, telle que la belle étudiante.

Avant de partir, se mettant encore plus en retard, Michael a pris des fruits pour la route jusqu’à Oxford (deux pommes, une banane, deux prunes et une orange) et, en marchant à l’aide de ses béquilles, cherchait frénétiquement quelque chose à lire: une pile de magazines sérieux ainsi qu’un exemplaire du catalogue de la Royal Academy consacré à leur exposition du moment « Le Génie de Rome, 1592-1623 », un cadeau offert par son amie l’étudiante.

Nous nous sommes entassés dans la voiture avec le manager, le médecin, un garde du corps et Shmuley une heure avant l’heure où nous devions arriver à Oxford. Michael tenait le livre d’art sur ses genoux à l’arrière où il était assis avec moi et le médecin, et s’est mis à parler de l’art de la Renaissance. Il nous a expliqué que Diana Ross lui avait beaucoup appris sur l’art, mais que son père était également un peintre talentueux.

C’est le rabbin Shmuley qui a proposé, lorsque nous étions sur Cromwell Road, que Michael appelle son père à Las Vegas. « Tu vas faire un discours dans lequel tu le pardonnes. Je crois que le moment est venu, Michael. » Michael s’est mis à réfléchir à cette suggestion en silence jusqu’à ce qu’on atteigne Hammersmith, lorsqu’il a soudain demandé qu’on lui passe le portable le plus proche puis a composé le numéro. « Joseph, » dit-il, alors que nous nous trouvions en pleine heure de pointe de Londres. « C’est moi, Michael. Je suis à Londres. Ça va, je me suis cassé le pied et ça me fait très mal, mais je voulais que tu saches que je me rends en ce moment à l’Université d’Oxford pour faire un discours, et je parle de toi dedans… non, non, ne t’en fais pas, c’est très positif. Oui… comment tu vas? Uh-huh… oui, je n’y manquerai pas. Je t’aime Papa, au revoir. » Après avoir dit cela, il a regardé par la fenêtre pendant un long moment. « Vous savez, » a-t-il déclaré avec un grand sourire, « c’est la première fois de ma vie que je lui dis ça, je n’arrive pas à y croire! » Shmuley l’a pris dans ses bras et l’a félicité. Michael s’est remis à sa lecture.

La route s’est très bien passée, exception faite des embouteillages. Michael se plaignait de tous les CDs que son manager avait choisis pour la route et qui étaient trop forts à son goût. À un moment sur l’autoroute M40 personne ne parlait, alors j’ai sorti le genre de blague que l’on regrette immédiatement après. « On s’ennuie là, » ai-je dit, « je crois qu’on devrait chanter une chanson, est-ce que quelqu’un ici sait chanter? » En temps normal, faire des blagues devant les stars n’est pas une bonne idée, mais l’ambiance était si joviale et pleine d’excitation que je n’ai pas pu m’en empêcher. À mon plus grand plaisir, Michael a eu la gentillesse de rire aux éclats.

Michael a commencé à paniquer en voyant que nous étions de plus en plus en retard. Il voulait appeler tous ceux qu’il avait importunés par son retard. Pour une star qui n’a pas besoin de se préoccuper des autres, difficile de ne pas être surpris par sa sollicitude.

Le discours de Michael était incroyable.

Nous savons que les étudiants ainsi que la presse et la télévision en étaient stupéfaits, mais je me demandais comment avait réagi Trevor Beattie, le gourou créatif de la publicité qui était présent dans la chambre des débats d’Oxford au style victorien, avec ses statues d’Asquith et Gladstone [note: anciens Premiers Ministres britanniques].

Beattie est sans doute l’agent publicitaire le plus reputé d’Angleterre, et il a récemment travaillé sur des publicités pour l’UNICEF avec Nelson Mandela, ainsi qu’avec Muhammed Ali ou Tony Blair, pour lequel il a créé les spots télé pour sa toute prochaine campagne électorale.

Autrement dit, Beattie en connaît un rayon sur la manière de présenter les choses. « Ce que j’ai vu ce soir confirme ce que j’ai toujours pensé à propos de Michael », a-t-il déclaré. « Toutes ces théories selon lesquelles il voudrait devenir Blanc sont à côté de la plaque. Je pense que ce qu’il y a de grandiose chez lui c’est qu’il n’a rien avoir avec son père, et que ce soir il a enfin pu se débarrasser du fantôme de Joseph pour tout recommencer à zéro. »

« Voilà pourquoi je trouve triste que, jusqu’ici, les gens se soient uniquement préoccupés de son visage et de ses excentricités, et qu’ils aient fermé les yeux sur son angoisse intime. Il a merveilleusement prononcé ce discours et avec une sincérité évidente. J’ai une admiration immense pour cet homme. » Nous nous sommes ensuite rendus à un magnifique dîner de stars pour 40 personnes au Blenheim Palace, où j’ai été amusé de voir Richard E. Grant, lui aussi star d’Hollywood, s’inquiéter de comment aller aborder Michael.

« Mais enfin, comment on fait? Est-ce qu’on fait semblant de le connaître en disant « Tiens, salut! » et on se présente comme ça? Je ne sais pas trop quoi faire. » Le jour suivant était celui du mariage fastueux des Geller. Michael était encore en retard (encore à cause de son pied dont la douleur avait empiré après avoir glissé – croyez-le ou non – dans un Fish and Chips à Marylebone). Les invités étaient navrés, surtout pour Hannah, la femme de Uri. Michael a également dû annuler un vol en hélicoptère pour l’emmener de chez les Geller à chez George Harrison. Il m’a confié que Harrison était le membre des Beatles dont il était le plus proche.

Ma fille de onze ans a serré la main à Michael et a déclaré qu’il « ne fait pas aussi peur qu’en photo, il est d’ailleurs assez beau. » On m’a ensuite demandé de danser sous la marquise des mariés avec Uri, Shmuley et David Blaine, le magicien américain – ainsi qu’avec le plus grand danseur et chanteur du monde, Michael Jackson, assis sur une chaise à un mètre de là, qui tapait des mains.

En voyant mon sens du rythme semblable à celui d’un hippopotame, le Roi de la Pop m’a fait un clin d’œil. Je pense qu’il y a peu de chance qu’il me prenne dans son prochain clip.

Quant à lui, il avait l’air heureux, comme si un poids lui avait été retiré des épaules.
Traduction: Birch pour MJFrance