La scène qu’il a découverte dans la suite de Michael à Londres a paniqué Randy Phillips. Phillips est un des plus grands promoteurs au monde, habitué à voir des artistes rock’n’ roll dans tous leurs états mais là, il était anéanti. « MJ est enfermé dans sa chambre, ivre et abattu » a écrit Phillips dans un mail à son boss d’Anschutz Entertainment Group, la société qui a parié une fortune sur le chanteur. « Je suis en train d’essayer de le dessouler ». Tim Leiweke, Président d’AEG avait aussitôt répondu : « tu te fous de moi ? ». « Je crie si fort que les murs vibrent » Phillips avait dit. « Il est dans un sale état, sans réaction, rongé par une haine de lui-même. Il doute que ce soit vraiment le moment de se montrer au public. »
L’histoire du retour fatal de MJ sur scène a été maintes fois racontée. Mais The Times détient et révèle aujourd’hui le contenu de mails confidentiels d’AEG, jusque-là ignorés. Ces mails donnent une image bien plus sombre de la relation entre un Michael Jackson fragilisé et AEG misant beaucoup sur une star imprévisible.
250 PAGES DE MAILS ECHANGES SUR MICHAEL
250 pages révèlent combien les responsables d’AEG doutaient de la stabilité de Michael en préparant les concerts d’02 à Londres. Ces mails joueront certainement un rôle majeur dans les deux procès prévus l’an prochain. Les assureurs du spectacle vont demander au juge d’annuler le contrat de $17.5 M d’indemnisation au motif que AEG a fait de fausses déclarations sur la santé de Michael et sa capacité à se produire sur scène. L’autre procès a été engagé par les héritiers Jackson : ceux-ci accusent AEG d’avoir mis la pression sur l’artiste pour continuer à préparer son retour tout en sachant qu’il était trop faible.
Les avocats d’AEG réfutent toute mauvaise conduite. Les mails diffusés par The Times sont incomplets et donne une image négative du Groupe. AEG détient d’autres mails dont le contenu révèlera la véritable situation et se réserve le droit de les produire au procès.
« Si vous êtes dans le show business, vous savez que vous aurez affaire à des personnes qui ont beaucoup de problèmes… » dit l’avocat Marvin Putnam d’AEG. « Michael Jackson était un adulte. Ce serait méprisant de dire qu’il était incapable de gérer ses propres affaires. »
Michael était une megastar mais il avait derrière de nombreux investisseurs grillés et des concerts annulés. Tout çà était bien connu quand AEG a commencé à imaginer un projet avec lui à l’automne 2008. Selon les mails, même avant de rencontrer Michael, les responsables au plus haut niveau d’AEG, cherchaient une assurance pour protéger le Groupe dans l’hypothèse où les spectacles n’auraient pas lieu.
CONTEXTE DE LA NEGOCIATION DU CONTRAT SIGNE AVEC AEG EN JANVIER 2009
Anschutz a invité Michael à une réunion dans une villa de Las Vegas en septembre 2008. Paul Gongaware, un cadre d’AEG qui connaissait Michael, avait envoyé un mail à ses collègues pour leur donner des conseils en stratégie. « Tenue décontractée » avait-il écrit, « car MJ n’a pas confiance dans les hommes en costumes et attendez-vous à parler de tout et de rien (fluff = frivolité) avec Mikey. »
AEG proposait une tournée mondiale qui rapporterait $132M net à la star à court d’argent selon le memo. Gongaware les met en garde : « Ce n’est pas un chiffre que MJ voudra entendre. Il pense qu’il est bien au-dessus de tout çà » Il suggère : « Parlez de grosses recettes ».
Le chanteur et AEG ont signé un contrat en janvier 2009. AEG s’engageait à financer une série de concerts à Londres O2 Arena et Michael à fournir « une performance de première classe ». Si le chanteur devait se rétracter, AEG prendrait contrôle de la société criblée de dettes du chanteur et utiliserait les revenus de ses catalogues pour rentrer dans ses fonds.
Il y en avait qui doutait au sein et à l’extérieur du Groupe. Dan Beckerman, Responsable en chef des opérations, avait envoyé à Phillips, un lien Youtube du MTV 2001 agité et lui avait demandé : « Peut-il y arriver ? ». Phillips avait répondu : « avec du temps et des répétitions ». A un autre promoteur qui s’inquiétait de la capacité de Jackson à se produire, Phillips avait aussitôt répondu par mail : « Il n’a pas le choix sinon c’est la faillite. »
Le contrat prévoyait un examen médical pour obtenir une assurance en cas d’annulation. Neuf jours après la signature, un médecin neworkais, Dr David Slavit, rendait visite à Michael à Holmby Hills. Il a conclu que Michel était en excellente santé. C’est cette attestation qu’ AEG mettra en avant dans les mois suivants comme preuve que la star était en bonne santé. On ne sait pas si l’examen était approfondi. Slavit, O.R.L. était un « spécialiste de la voix professionnelle ».. Dans son rapport, il s’étendait longuement sur les cordes vocales de Michael mais il ne disait rien des problèmes d’addiction aux médicaments bien connus. Le chanteur avait annulé au moins un spectacle pour overdose de médicament mais Slavit avait écrit que les annulations passées étaient dues « à une déshydratation et à une fatigue extrême ». Sur un questionnaire, à la question : « avez-vous déjà été soigné pour usage excessif de médicaments ou d’alcool ? », Michael avait coché « non ».
LA CONFERENCE DE PRESSE D’O2 ARENA
AEG avait programmé l’annonce du retour de Michael avec une conférence en mars à Londres. La date approchait et AEG avait perdu de vue Michael. Chez AEG, la peur était alors montée d’un cran. « On court tous un risque » Gongaware avait écrit à Phillips. « On a seulement dit à Mikey ce que cela allait lui rapporter.. On ne peut pas nous forcer à tout arrêter, ce que MJ pourrait essayer de faire parce qu’il est paresseux, instable et cherche d’abord à satisfaire ses besoins immédiats. » « Il est coincé. Il n’a pas le choix.. il a signé un contrat. » a écrit Gongaware. En public, AEG affichait sa confiance : « l’homme est en bonne santé, très impliqué,… » rassure Leiweke à un symposium de l’industrie musicale qui s’est tenu un jour avant la conférence de presse d’02 Arena.
Jakcson s’est bien rendu à Londres mais, selon les mails que Phillips a envoyés à Leiweke, la star était droguée et refusait de sortir de sa suite. Finalement, toujours selon les mails, Philips et le manager de Michael ont été obligés de l’habiller. « Il panique complètement » Phillips a écrit à Leiweke. Dans un interview, l’avocat Putnam d’AEG avait suggéré que Phillips avait exagéré dans ses mails et que le comportement de Michael était un problème de nervosité.
Jakson est arrivé 90 minutes en retard à la conférence. Le caractère étrange et décousu de ses propos a frappé quelques-uns des 350 reporters rassemblés. Cependant, l’enthousiasme des fans était indéniable. La demande de billets pour les 10 premiers concerts a fait exploser le serveur de Ticketmaster.
REPETITIONS CHAOTIQUES
Deux mois après, Jackson et AEG ont obtenu de la Lloyd une assurance –accident – pour les répétitions. La couverture serait étendue à la maladie et au décès quand Jackson aurait été examiné par des médecins de la Lloyd à son arrivée à Londres. Les responsables d’AEG ont rencontré pour la première fois Murray pendant les répétitions de mai. Dans le procès qui a condamné Murray l’an dernier, des témoins ont affirmé que Jackson avait insisté pour que AEG engage Murray en tant que médecin personnel pour les spectacles de Londres à $150 000/mois. Murray, criblé de dettes et sur le point de perdre sa maison, donnait toutes les nuits du Propofol à Michel…Dans un interview, les avocats d’AEG ont fait observer qu’aucun des mails fait allusion au Propofol et disent que personne dans le Groupe ne savait que Murray en faisait usage. Jackson est mort avant de signer le contrat de travail de Murray et le médecin n’a jamais été payé par AEG.
De lourds signaux d’alarme ont accompagné les répétitions à mi-juin selon les mails échangés un mois avant les concerts de Londres. Michael manquait des répétitions, avait du mal à prendre la routine et devait faire du play-back sur certains titres les plus célèbres. « MJ n’a pas encore suffisamment la forme pour chanter tout çà et danser en même temps » informe le Directeur Musical au Supervisor par mail. « Jackson a encore manqué une semaine de répétitions et quand il est finalement apparu le 19 juin, il était trop faible pour monter sur scène. »
Les mails échangés par la suite montrent une inquiétude grandissante sur la santé mentale de Michael. « C’est une cause désespérée » a écrit un Production Manager, « on y croit de moins en moins ». « On a un vrai problème ici » écrit Phillips à Leiweke. Kenny Ortega a dit à Phillips que la star n’était pas prête pour revenir sur scène et il a demandé l’aide d’un psychiatre. « Il a de forts symptômes de paranoia, anxiété, des comportements maniaques. Je pense que la meilleure chose à faire est de faire venir un psychiatre compétent pour l’examiner le plus vite possible. » « C’est comme s’il y avait deux personnes là. La première (intime) essaie de tenir le coup pour ce quelle était et ce qu’elle peut être. Michael ne veut pas qu’on abandonne. L’autre personne est affaiblie et agitée » écrit Ortega qui connaît Michael depuis 20 ans. « Je pense qu’on a besoin d’aide. »
Phillips a refusé une intervention psychiatrique immédiate. « Il est essentiel que ni toi ou moi, ni personne d’autre dans l’équipe se comporte en psychiatre ou médecin amateur » a-t-il écrit. Il a ajouté : « Murray, que j’estime de plus en plus au fur et à mesure que j’échange avec lui, reste confiant , le chanteur est prêt. » « Ce médecin réussit très bien – on a vérifié auprès de ses patients- et n’a pas besoin de tout çà. Il est vraiment impartial et droit. » Pendant la réunion à Homlby Hills ce jour-là, Jackson s’est engagé à s’améliorer et Murray a dit qu’il l’aiderait. Aux dires de tous, les deux jours suivants de répétition, les derniers de la vie de Michael, étaient superbes.
Dans une récente interview, un avocat d’AEG a dit que le groupe s’était comporté de façon responsable face aux inquiétudes soulevées par Ortega et d’autres : en surveillant les répétitions et en rencontrant Michael et son médecin. « Michael et le médecin avaient souligné que tout était OK. Ils dominaient bien la situation .» a dit Putnam.
DIFFICULTE A OBTENIR UNE ASSURANCE ANNULATION MALADIE/DECES
De nombreux mails montrent qu’à la même époque, la Lloyd demandait de façon répétée à AEG de prévoir un examen médical complet de Michael. La société d’assurance voulait être sure que le chanteur était en bonne santé avant d’étendre l’assurance au risque maladie et décès, couverture cruciale compte tenu de l’écho des répétitions.
Cet examen de quatre heures serait conduit par quatre médecins et comprendrait des examens cardiaques et des prises de sang. Le courtier en assurance d’AEG aurait essayé de faire renoncer la Llyod à cet examen. A la place, AEG avait suggéré que Murray fournisse un bilan oral du dossier médical récent de Michael. La Llyod avait refusé. La Llyod continuait à chercher davantage d’informations d’AEG : dossier médical, détails sur le programme d’entretien quotidien de Michael et des réponses aux questions que se posaient les médias sur sa santé…
« Toujours aucune réponse » avait écrit un représentant de la Llyod qui insistait maintenant pour prendre connaissance des dossiers médicaux de Michael des cinq dernières années, des informations précises sur les rendez-vous avec médecins ou à l’hôpital, les traitements cosmétiques depuis 2003.
Au sein d’AEG, on comptait sur Murray pour obtenir toutes ces informations. Dans la semaine qui a précédé la mort de Michael, AEG a envoyé au moins dix mails à Murray pour le lui rappeler . Murray a répondu à la dernière relance le 25 juin dans la chambre aux rideaux fermés de Michael. Murray a écrit qu’il lui en avait parlé et : « il n’a pas donné son autorisation. » Moins d’une heure plus tard, Michael avait cessé de respirer, selon le témoignage donné par Murray à la police.
POUR FINIR…
Une semaine plus tard, AEG a réclamé les $17,5M de l’assurance et a déclaré que c’était plus de $35 M qui étaient perdus. Mais très rapidement, il est apparu clairement que la mort de Michael, aussi terrible qu’elle soit pour ceux qui l’adoraient- était une aubaine pour ses héritiers et AEG. Le documentaire TII vendu dans le monde entier a rapporté $260 M.
« La mort de Michel est une terrible tragédie mais la vie continue. AEG a gagné beaucoup d’argent avec les tickets d’O2 non remboursés, la tournée des memorabilia et le film » a écrit Phillips à un partenaire d’affaire en août. Il a ajouté : « Je préfèrerais tout de même qu’il soit encore avec nous ! »