Le 25 Septembre 2014, les éditions
Bloomsbury Academic publieront dans leur collection “33 1/3″ un
livre en anglais de 168 pages intitulé « Michael Jackson’s Dangerous » écrit
par Susan Fast.
Susan Fast est
professeur au Département anglais d’études culturelles à
l’Université McMaster Hamilton, au Canada. Ses intérêts et ses
recherches portent sur les représentations du genre, la
sexualité, la race et l’origine ethnique, les constructions de soi
et de l’autre, la performance et la performativité, la violence
géopolitique et les conflits dans la musique populaire
contemporaine. Elle est l’auteure de Of In
the Houses of the Holy: Led Zeppelin and the Power of Rock Music.
En adéquation avec ses
intérêts académiques de la musique populaire et de la performance,
Fast a choisi d’écrire dans la collection 33 1/3, sur l’album de
Michael Jackson « Dangerous ». Lisez la suite via la traduction de l’interview présente sur 333sound.com pour
découvrir pourquoi elle s’est intéressée à « Dangerous »
parmi les albums les plus populaires de MJ, ce qu’elle pense est
absent dans les études de l’œuvre de Michael Jackson à ce jour.
Qu’est-ce qui vous a
attirée en particulier pour écrire sur cet album ?
Susan Fast :
J’avais envie d’écrire sur cet album depuis des années et chaque
fois que je pensais à ce sujet, je l’imaginais dans un livre
faisant partie de la série 33 1 / 3.
C’est le moyen idéal
pour ce projet. Dangerous me semble être l’album charnière
dans la carrière de Michael Jackson, je sais que la plupart pensent
à Thriller pour son apogée musicale (certains même diront que
c’est Off the Wall) Bad a été le premier album pour lequel il a
fait une tournée en tant qu’artiste solo, donc c’est certainement
une étape importante, mais certains estiment que « Bad »
n’était pas aussi bon que l’album Thriller. Je pense que la
plupart estiment aussi, que quand « Dangerous »
est sorti, le meilleur travail de Jackson était derrière lui, mais
je suis en désaccord avec cela. Ce qui rend « Dangerous »
si fascinant pour moi, c’est que Jackson, sur cet album, à atteint
l’âge adulte. Il traite de sujets de poids, y compris l’amour et la
luxure; il nous donne une vision plus sombre, moins enfantine et
optimiste du monde et il semble souvent être à un point de rupture
émotionnelle. Il le fait avec moins de théâtralité, ce qui ne
veut pas dire moins de prouesses musicales en comparaison avec ses
enregistrements précédents.
Dans un examen du dossier
de Jon Dolan, ou il a fait une comparaison avec Nevermind de
Nirvana. Dolan a écrit, « la peur, la tristesse de Jackson et
la sensibilité de l’enfant blessé, le sens du bien et du mal,
ont plus en commun avec Kurt Cobain, pour celui qui prend le temps
de le remarquer ». Bien que nous fassions des déclarations
ambitieuses sur cet album, avec tout le respect pour les fans de rock
(et je me compte parmi vous) -J’ai longtemps caressé l’idée que
l’album « Dangerous » de Michael Jackson, comme
l’Achtung Baby (album de U2), a à bien des égards, une amorce
similaire. Ce ne sont pas seulement des paroles qui ont fait aller
Jackson dans cette voie, mais de nouvelles façons d’utiliser sa
voix, l’adhésion à de nouveaux styles musicaux, y compris le hip
hop, et une allégeance plus prononcée du son de la musique noire,
passée et présente, comme ce fut le cas avec ses œuvres
antérieures. Je comprends « Dangerous » comme un album
concept à travers lequel Jackson explore les idées de la
postmodernité, l’amour, la sexualité, la spiritualité et l’avenir.
Avoir la possibilité d’explorer cet album sous-estimé par une
longue étude est vraiment passionnant.
Qui voulez-vous faire
intervenir pendant le processus d’écriture ? Et Pourquoi ?
Susan Fast : Mon
objectif est d’offrir une compréhension attentive de l’album, de
proposer une manière de l’écouter qui se connecte à l’image
publique de Jackson et au moment culturel dans lequel l’album a été
crée. Depuis, il y a eu très peu d’analyse critique de l’œuvre de
Jackson, je veux vraiment faire cette mise au point (dans la façon
dont Carl Wilson a fait une analyse culturelle sur Céline Dion, dans
son livre 33 1/3 Céline Dion, qui est mon livre préféré dans la
série). Mais, inévitablement quand j’écris, il arrive un moment où
je bute sur une question pour laquelle seul l’un des musiciens, ou
toute autre personne qui a participé au processus de création
peut répondre. C’est ce qui s’est passé l’année dernière quand
j’ai écrit un article sur Jackson pour un numéro spécial de la
revue Popular Music and Society : Une partie de l’étude portait
sur sa guitariste Jennifer Batten, et j’ai fini par créer des liens
avec elle afin d’obtenir de vrais renseignements, y compris si
c’était MJ qui concevait ses costumes fous (la réponse est oui, il
l’a fait). Alors cela va se produire ici. Joe Vogel a Interrogé un
grand nombre de personnes qui ont travaillé en étroite
collaboration avec Jackson pour écrire son livre «Man in the
Music » et l’ingénieur de longue date de Jackson, Bruce
Swedien, a publié un livre il y a quelques années qui comprend un
grand nombre d’informations techniques intéressantes sur les
sessions d’enregistrement, de sorte que ces bases sont déjà
connues.
Vous décrivez pour
nous le processus d’élaboration et la finalisation de votre livre
pour 33 1/3. Est-ce que quelque chose vous a surprise ? Avez-vous
commencé avec une pensée qui vous a amenée à une fin complètement
différente ?
Susan Fast : Ce
qui est super sur l’écriture et la mise en œuvre de ce projet est
qu’il se concentre vraiment sur les idées qui flottaient sans but
dans ma tête depuis longtemps. Je n’avais jamais pensé à
« Dangerous » comme un album concept avant, mais quand
j’ai commencé à écrire, et réfléchir à l’organisation des
chapitres, le concept m’est soudainement apparu clairement. Il y
avait aussi un commentaire qu’Alan Lumière a écrit dans sa revue
Rolling Stone sur l’album qui m’a donné cette possibilité. Il
a critiqué l’ordre des chansons de l’album, en commentant qu’il
n’aimait pas la façon dont Jackson avait « regroupé » des
chansons similaires. Il m’est soudainement apparu que les « clusters »
ou groupes de sens, au lieu de leur résister, ou les trouver
maladroits, on devait les apprécier. Ces groupes nous fournissent
essentiellement un arc de l’histoire captivant. (Si vous lisez le
livre, vous saurez ce qu’est à mon avis cet arc.)
Que vous voulez
explorer à propos de Michael Jackson qui n’a pas été suffisamment
signalé ailleurs dans la critique musicale ou l’écriture académique
?
Susan Fast : Après
la mort de Jackson, j’ai fait la recherche d’une littérature
sérieuse sur sa musique et j’ai été absolument surprise de
constater qu’il y en avait très peu. Tout le monde était
tellement concentré sur ce qu’ils percevaient comme sa vie folle
(et, très franchement, même pas explorée de manière
intéressante) que d’une certaine manière cet incroyable virtuose de
la musique, riche et complexe, ses courts métrages et ses concerts
capturés sur vidéo ont été négligés (en aparté: Je n’avais
même jamais vu le DVD du concert de Bucarest, filmé au cours du
Dangerous Tour en 1992. la seule sortie d’un DVD officiel d’une
émission en direct au cours de sa vie, est arrivée en 2005, à un
moment ou la seule chose dont le monde se souciait était le procès
criminel de Jackson). Il est vraiment difficile de comprendre
comment l’un des plus grands artistes de tous les temps a pu être
aussi un artiste autant rejeté et négligé. Même quand il
était à l’apogée de son art, il n’y avait jamais qu’une
poignée de bons articles essayant de dire quelque chose d’important
à propos de son art. Cela commence à changer lentement. Il y a
d’excellents articles qui ont été publiés depuis sa mort, mais
en termes d’analyse des chansons et vidéos, ou de recherches pour
un album, c’est toujours un terrain quasiment vierge. Le livre de Joe
Vogel «Man in the Music » est le premier et la seule
analyse de l’œuvre de Jackson. Pensez à combien de livres comme
celui là existent pour d’autres artistes importants! Et la réalité
est, que le travail de Jackson est si complexe que des
interprétations multiples et contradictoires devraient exister,
comme c’est le cas pour le travail d’autres artistes qui nous
intéressent.
Donc, il y a tellement de
choses qui pourraient être écrites, mais dans ce livre, j’ai
vraiment envie d’explorer l’image de Michael Jackson à l’âge
adulte, l’image qu’il présente de lui-même, la gravité de l’album,
comment on peut le lire par rapport aux autres graves déclarations
de musique qui ont été publiées. Il s’agit d’un Michael Jackson
qui s’est vu refuser systématiquement par les critiques. Beaucoup
ne pouvaient pas le voir comme un adulte, ou ils n’ont pas cru en lui
comme en un seul, et quand il nous a donné une image de lui-même
avec des adultes dangereux, il a été plus ou moins rejeté par la
critique. C’est précisément à ce moment, précisément au moment
où il embrasse la maturité, que son aberration devient intolérable
et que la cécité critique envers sa musique s’installe. Michael
excentrique prodige de croisement, fabuleux, habitant l’âge adulte
comme le dandy qu’il était, avec ses regards; sa sexualité torride
pendant ses performances (que beaucoup de critiques ne pouvaient pas,
ou ne voulaient pas voir) son amour pour les enfants et les choses de
l’enfance ; son incapacité à s’unir avec un
partenaire/technicien; et sa défaillance de musique à consonance
noire, ce dernier point était vraiment effrayant pour les médias
traditionnels et pour beaucoup au-delà. C’était quelques années
après Dangerous qu’est sortie la première allégation d’abus
d’enfant : Mon point de vue est que l’album et le titre ont
mis en marche les roues de sa chute spectaculaire et de sa grâce
dans le mouvement.
Quel a été votre
premier concert ?
Susan Fast : ne
serait-ce pas merveilleux si je pouvais dire celui de Michael Jackson
? Hélas, je ne l’ai jamais vu en direct. Mon premier concert était
celui de Bowie, en 1976, lors de sa tournée Young Americans. J’étais
une fanatique de Bowie. Avant l’Internet et vivant en dehors d’un
centre urbain, soit j’ai du appeler ou écrire pour commander un
billet. Je n’ai aucun souvenir de la façon dont j’ai entendu
parler de lui : la radio? Journal? Magazine? Où étaient les dates
de concerts annoncées à l’époque? Je l’ai fait sans savoir
absolument comment je pourrais faire pour aller à Vancouver voir le
concert. Etc….
Comment écoutez-vous
votre musique à la maison: vinyle, CD ou MP3? Pourquoi?
Susan Fast: CD ou
MP3; Je me suis débarrassée de ma platine depuis plusieurs années.
Ainsi, il est plus facile de se livrer à ses habitudes et d’écouter
la même chanson encore et encore. Mais ce qui est intéressant,
quand Jackson est mort, j’ai sorti ma version vinyle de l’album
Thriller, il était placé sur une étagère dans mon bureau à
l’université et il s’y trouve encore aujourd’hui. Je ne suis
pas un(e) de ces audiophiles qui insistent à dire que le vinyle est
meilleur que les enregistrements numériques, mais je m’ennuie
cruellement de la richesse de la création artistique des pochettes
des albums qui étaient associées aux vinyles. Parmi les autres
pertes, la version CD de Thriller omet les petits dessins que Jackson
a réalisés pour l’intérieur de la pochette du disque.
Nommez des paroles de
l’album sur lequel vous écrivez a) l’album lui-même,b) votre expérience
d’entendre l’album pour la première fois,c) votre expérience
de l’écriture de l’album, à ce jour.
Susan Fast : Ce ne
sont pas les paroles qui m’ont captivée, rarement! Je suis attiré
par le son: les mélodies, la qualité de la voix, les changements
harmoniques intéressants, le choix des instruments, l’évaluation
de la production, ou comment la musique agit en nous par l’expérience
des réactions de notre corps. Qu’est-ce qui me stimule dans la
musique de Michael Jackson, et bien, c’est la musique elle même.
Surtout son intensité, et tandis que le niveau d’intensité est
toujours très haut avec Jackson, je dirais qu’il atteint de
nouveaux sommets dans « Dangerous ». Cet album est juste
tellement et sacrément émotionnel.
J’ai passé toute ma
carrière à essayer de comprendre comment écrire de façon
productive sur le son musical, d’une manière qui non seulement
éclaire la structure musicale ou d’autres détails relatifs à ce
sujet, pas dans une langue que seuls quelques spécialistes
comprennent, mais d’une manière qui relie le son de la musique aux
idées culturelles importantes. Si les significations primaires de la
musique viennent à travers les paroles, pourquoi aurions-nous besoin
de la musique? Le son musical est un véhicule pour la signification
culturelle. Le son porte une signification culturelle. Donc c’est
intéressant pour moi que cette image de l’âge adulte que nous
recevons de Jackson sur « Dangerous » est liée avec une
telle intensité émotionnelle de sa voix (qui souvent, est, sur le
point de rupture), dans la tension des rainures, ou dans la démesure
franchement baroque de la musique. Une grande partie de cette
intensité est associée à la désillusion sur le monde entier, avec
le sentiment d’avoir été abandonné ou trahi. Ou en colère.
« Black or White », par exemple, n’est pas seulement une
chansonnette mignonne sur l’harmonie raciale, quand vous commencez à
creuser sous la surface, Le gars est très énervé! Et je suppose
que si j’avais à m’engager sur une chose qui encapsule l’album, ce
pourrait être la danse à la fin du court-métrage de » Black
or White. » Je sais que cela s’éloigne de la musique, mais le
paysage émotionnel intense de la danse résume en mouvements ce que
l’album offre au son.
Source: 333sound.com / MJFrance.
Source: MJFrance