Le 18 novembre 2022 et afin de fêter les 40 ans de l’album le plus vendu de tous les temps, sortait Thriller 40, un double CD contenant l’album original et 10 chansons rares ou démos. Le 30 novembre de la même année, un documentaire du même nom était diffusé dans plusieurs grandes villes du monde entier mais pas en France. L’Estate, ayant donc fait le choix de le montrer aux fans et pour leur plus grand plaisir, mais pas chez nous.
Cela fait donc un an que nous attendions avec impatience de voir ce fameux documentaire à la gloire de Thriller, l’album le plus vendu de toute l’histoire de la musique, et de Michael Jackson, l’artiste qui a permis que ce vœu, son vœu, puisse ainsi se réaliser.
Comme annoncé sur nos différentes communications, le documentaire a donc été diffusé sur MTV le 2 décembre et sur la plateforme de Paramount+ le lendemain. Sachant que sa première diffusion allait être entrecoupée de multiples pauses publicitaires, nous avons fait le choix de patienter afin de le voir en entier, comme il se doit.
Après un premier visionnage, il nous a paru important de le regarder à nouveau afin de ne rien oublier et d’apprécier pleinement son contenu. En voici donc notre critique.
Dans ce genre de documentaire notre perception est toujours double: celle du public en général et celle du fan en particulier. Pour le public en général, on peut considérer qu’il s’agit d’un bon documentaire dans le sens qu’il raconte une histoire, avec de belles images d’archives, des narrateurs plus ou moins connus et le tout sur la musique de l’album Thriller, qu’il doit connaître obligatoirement. Michael Jackson est bien mis en avant, comme il se doit et l’époque est assez bien décrite, une autre époque, évidemment.
Une fois qu’on a dit ceci, ok, mais pour les fans alors ? Allions-nous découvrir quelque chose de nouveau ? Est-ce que tous les intervenants qu’on imagine vont y être ? Est-ce que l’histoire va être racontée comme on l’aime, à la lettre ? Nous qui avons lu tant et tant de livres, épluché tous les crédits des albums, des rééditions, vu tant de témoignages et de vidéos, qu’allons-nous voir ? L’appréhension et l’attente sont effectivement à la hauteur d’un tel événement.
Dès le départ et tout au long du documentaire, nous sommes ravis de voir toutes ces images d’archives totalement inédites et la qualité des images du Victory Tour. C’est un vrai bonheur que de voir leur qualité et de se dire qu’elles existent jusqu’à nous faire rêver pourquoi pas, de les voir un jour dans une diffusion du concert en entier. La qualité semble tellement extraordinaire pour l’époque, qu’on se met à rêver d’une diffusion au cinéma, par exemple, et pourquoi pas après le biopic. Quelques séances nous suffiraient, avec une remastérisation digne de ce nom, bien que la partie audio pourrait demander un travail mené en profondeur.
Une fois les premières images inédites et de qualité passées et au fur et à mesure que l’on avance dans ce documentaire, on s’aperçoit malheureusement que non seulement des témoignages commencent à manquer mais que des artistes et des personnes très importantes dans ce projet sont soit oubliés soir trop peu évoqués. Nous rentrons malheureusement dans le détail de tout ce qui ne va pas et le manque est cruel.
Si l’album Thriller est l’œuvre de Michael Jackson, trois autres personnes sont incontournables dans sa réalisation et donc sa réussite: Quincy Jones, Bruce Swedien et Rod Temperton. Le premier est encore vivant et on n’imagine pas un documentaire officiel sur l’album Thriller sans son témoignage, tant il est légitime. On attend Quincy Jones en tant qu’intervenant ou interviewé à cette occasion et malheureusement il n’apparait pas. Alors certes, on le voit à travers des images d’archives mais trop peu via d’anciens commentaires. C’est un manque, incontestablement.
De son côté, Bruce Swedien, l’ingénieur du son de tous les albums de Michael Jackson et de Thriller en particulier, est extrêmement peu évoqué. Malheureusement décédé, son témoignage pendant le tournage n’était pas possible. Il n’en demeure pas moins que de nombreuses images et déclarations de sa part existent et pas des moindres. Il suffit de se référencer sur le travail de Marcos Cabotá avec « Sonic Fantasy » et auparavant celui de Gareth Maynard pour « King Of Sound » que l’on avait découvert lors du MJ Music Day de Lille en 2017, pour s’en apercevoir. Les anecdotes de Bruce Swedien sur l’enregistrement de cet album sont nombreuses, incontournables, délicieuses et pourtant absentes. Là aussi un très grand regret pour l’histoire mais également pour la reconnaissance qui lui est due.
Enfin pour Rod Temperton, c’est à peine si on voit quelques images et s’il est évoqué, lui qui est pourtant l’auteur de Baby Be Mine, de The Lady In My Life et de Thriller (anciennement Starlight). Auteur également de la chanson de la même période Got The Hots, mais aussi de la musique de Someone In The Dark. Sans oublier Rock With You, Off The Wall et Burn This Disco Out pour l’album Off The Wall.
Mais ce n’est pas tout. Si Quincy Jones, Bruce Swedien et Rod Temperton ne sont pas évoqués comme il se doit, il en est de même pour tout un tas d’autres artistes, des musiciens en particulier et là aussi, pas des moindres. Lorsqu’on évoque les cuivres de Wanna Be Startin’ Somethin’, rien sur Jerry Hey, Gary Grant, Larry Williams et Bill Reichenbach que l’on retrouve sur d’autres chansons de Thriller et sur d’autres albums de Michael Jackson.
Lorsque la célèbre batterie de Billie Jean est évoquée, rien sur N’dugu Chancler, lui aussi présent sur d’autres chansons de Thriller et sur d’autres albums du Roi de la Pop. La basse envoutante de Louis Johnson, on croit rêver, le gigantesque bassiste n’est pas évoqué non plus ! Dans notre tête sonne une alarme identique au son d’un bug informatique. Non mais ils sont sérieux là ? Bref vous l’aurez compris, il manque trop d’artistes, trop peu de références à la limite de l’irrespect et trop peu de leurs témoignages indispensables.
La présence d’artistes comme Mary J.Blige, Usher, Mark Ronson et d’autres encore, ne nous dérange absolument pas lorsqu’ils sont choisis de par leur notoriété et afin d’apporter une crédibilité et une histoire à la narration. Mais c’est l’absence des artistes ayant fait partie de l’histoire qui nous pose problème. Ils manquent cruellement. Une absence physique pour les personnes encore vivantes et une absence d’images et d’évocations pour les disparus. Nous n’en avons évoqué ici que quelques uns mais la liste est encore très très longue.
A cela, il faudrait aussi rajouter la liste des danseurs et des chorégraphes absents ou trop peu évoqués, Vincent Paterson et Michael Peters en particulier. L’absence de toutes ces personnes est véritablement le point noir de ce documentaire pourtant riche en images inédites.
Et le comble, pour les non anglophones qui regardent ce documentaire sous-titré, c’est que les sous-titres apparaissent sur les noms du peu d’artistes présents. Comme un hasard qui soulignerait une absurdité.
Enfin pour finir, car il y aurait tant à dire encore, que dire de la fin du documentaire ? Comme une apothéose ou le bouquet d’un feu d’artifice, on ne sait trop qui, a décidé après le passage sur la chanson et le court-métrage de Thriller, de mettre en avant, comme une forme d’autosatisfaction pour l’Estate, This Is It et les spectacles dont il est inutile ici d’en préciser les titres.
On ne sait pas qui a décidé de faire cela mais nous aimerions leur préciser qu’à la fin de la chanson et donc du clip de Thriller qui clos ce documentaire, on entend le rire d’un certain Vincent Price. Un rire qui à lui seul et sans aucune autre musique, est capable de faire dire les mots « Thriller » et « Michael Jackson » à n’importe qui sur cette terre. Est-il imaginable que l’on parle d’un album comme Thriller, d’une chanson comme Thriller, d’une vidéo comme Thriller et que l’on n’évoque pas Vincent Price ? Et toutes les anecdotes qui vont avec ?
Au lieu de cela, This Is It et les spectacles… Ils auraient pourtant pu, après avoir parlé de Vincent Price, montrer des images de la suite de Thriller avec l’extraordinaire chanson caritative We Are The World, Captain Eo, l’album Bad, le Bad Tour et tant d’autres choses encore, mais non, leur choix s’est porté sur ce que vous avez vu.
Par contre, pour en revenir aux qualités de ce documentaire, nous ne savons pas si cela a été fait exprès mais nous avons remarqué quelque chose de très intéressant et qui passe pourtant inaperçu. Inaperçu pour le grand public mais peut-être également pour certains fans.
On vous explique. Si comme nous, vous avez l’œil du lynx et l’oreille affûtée, vous avez pu remarquer pendant l’évocation de la chanson « The Girl Is Mine » et les images d’archives diffusées avec, qu’à un moment donné, Michael Jackson chante tout autre chose que le duo avec Paul McCartney. Pour vous situer, cela se passe après que le réalisateur du documentaire Neslon George dit ceci: « Après « Off The Wall », la question était de savoir si Michael Jackson était une star de la Pop ou seulement un artiste R’n’B« . On voit alors Michael Jackson chanter avec enthousiasme « Yeah Yeah, Yeah Yeah… » en studio.
Mais que peut-il bien chanter ? Nous sommes nous alors demandé. Et bien il s’agit de la chanson « I Was Made To Love Her » de Stevie Wonder que l’on retrouve également interprétée par les Jackson 5 sur l’album Boogie et sur l’Anthology de 1976 ainsi que sur l’album Looking Back To Yesterday de Michael Jackson sorti par la Motown en 1986 (et bien d’autres compilations des J5). Un grand merci à Labeste de notre forum de discussion pour avoir mené l’enquête et trouvé le titre. Une aide précieuse se trouve également dans une interview de David Paich du groupe Toto (présent sur l’album et également oublié du documentaire) que l’on pouvait trouver dans le magazine Vibrations de 2009 et évoqué en 2012 sur le forum Michael Jackson’s HideOut (Merci bluesaway et SmoothMel44) ainsi que par Brice Najar dans son livre « Michael Jackson: Itinéraire d’un passionné » et dans lequel on pouvait lire ses souvenirs à ce sujet :
David Paich : L’enregistrement de « The Girl Is Mine » a été un moment mémorable. J’avais Jeff Porcaro, Greg Phillinganes, Louis Johnson à la basse, Steve Lukather à la guitare et moi-même. Michael était là, mais il y avait aussi George Martin et Geoff Emerich, qui étaient respectivement le producteur des Beatles et leur ingénieur du son. Je n’oublierai jamais quand Paul McCartney est entré dans la pièce avec deux anciens agents du FBI le menant comme escorte.
Et soudain, dans mon champ de vision, j’ai eu Linda McCartney, Paul McCartney, Michael Jackson, George Martin et Quincy Jones ; une salle pleine de légendes. Et le souvenir artistique le plus marquant que j’ai de Michael remonte à cette séance d’enregistrement. Les musiciens, pour se préparer, font une « jam session » ; nous laissions sortir toutes sortes de sons de nos instruments et cette session a été réalisée avec Paul MacCartney.
Et à un moment donné, tout le monde s’est mis à jouer… Ce n’était pas « Signed, Sealed, Delivered, I’m Yours ». C’était « I Was Made To Love Her » de Stevie Wonder. On avait commencé à jouer la chanson dans le studio et Paul et Michael ont commencé à chanter et à improviser un duo là-dessus. Et Michael a tout déchiré, il a tout tué, c’était extraordinaire. De toute ma vie, je n’ai jamais entendu quelqu’un chanter avec autant de passion et d’émotion comme Michael l’a fait ce jour-là. S’ils avaient eu un concours, Michael aurait battu McCartney haut la main parce qu’il connaissait la chanson sur le bout des doigts. Et ce moment a été enregistré, ce n’était pas intentionnel car nous nous échauffions, mais il a été enregistré.
Et oui, enregistré et dont nous avons eu des millisecondes d’images sur ce documentaire Thriller 40. Ni l’Estate, ni Nelson George, ne doivent savoir à quel point les fans auraient aimé entendre cette « jam session » en entier. Car il faut être fan pour savoir que Michael Jackson a encore de très belles choses à nous faire découvrir.
Il faut être fan…
Si vous voulez avoir d’autres avis de fans concernant ce documentaire, vous pouvez en retrouver quelques uns sur You Tube:
Le documentaire Thriller 40 sera disponible sur Paramount+ pour plus de 6 mois au moins. De quoi le revoir un certain nombre de fois.