Si notre article du 2 février 2020 concernant Coca-Cola démontrait que dès 1979 la célèbre marque affirmait aimer Michael Jackson, ce ne fut pas la seule occasion pour elle que d’exprimer cette reconnaissance envers les talents du Roi de la Pop. En effet, bien que le nom de Michael Jackson soit associé à celui de Pepsi depuis le mois de novembre 1983, il faut savoir que pendant le Victory Tour, une anecdote raconte que Coca-Cola, ayant réussi à mettre la main sur un lot de billets du concert de Chicago, les distribuait alors gratuitement en disant « Coke souhaite la bienvenue aux Jackson. » Un comble quand on sait que Pepsi en était alors le sponsor officiel.
Mieux, une seconde anecdote raconte qu’à Atlanta, les responsables de Coca-Cola racontèrent aux journalistes que le Victory Tour était fantastique et qu’il faisait ventre des litres de leur boisson !
Ces quelques anecdotes figurent dans le livre de Roger Enrico, qui fut nommé PDG de Pepsi USA en 1983 et qui restera célèbre comme celui ayant conclus un contrat la même année avec Michael Jackson pour 5 millions de dollars.
Ce livre de 1986 et intitulé « The other guy blinked. How Pepsi won the cola wars, » est une sorte de biographie professionnelle de son auteur qui raconte son ascension dans la hiérarchie commerciale et dans celle de Pepsi en particulier, en passant par le célèbre contrat avec Michael Jackson qui joua un rôle primordiale dans la réussite de la marque américaine.
Dans cet ouvrage, qui fut également traduit en plusieurs langues et que vous pourrez retrouver en français sous le titre de « La guerre des colas » sorti en 1987, Roger Enrico y réserve pas moins de quatre chapitres sur quinze, rien qu’à l’histoire de la collaboration entre Pepsi et Michael Jackson. Ces chapitres sont intitulés respectivement: La main gantée – Quand on parie sur une star – Portez un message à Michael Jackson et La voix d’une nouvelle génération. Malheureusement, il ne contient aucune photo.
Si ces quatre chapitres nous en apprennent énormément sur les coulisses de ce contrat qui donna naissance à beaucoup d’autres, il n’en demeure pas moins que la lecture du livre est très instructive sur le monde des colas dans les années 80 et les stratégies de chaque marque en particulier.
En 1983, Pepsi est dans une phase ascendante, et même si Roger Enrico pense alors le contraire, la société se porte plutôt bien. Burger King venait de passer de Coca-Cola à Pepsi et Pepsi Free, le cola décaféiné, devenait cette année l’une des nouvelles marques les plus réussies de toute l’histoire des produits de grande consommation aux Etats-Unis. Roger Enrico pense alors que la qualité et la diversité des produits sont là et qu’il est temps de passer à la vitesse supérieure afin de garantir un rythme accéléré.
Cela passera selon lui par un marketing de pointe et il faut maintenant une bonne campagne publicitaire pour élever le tout. Si dans les premières ébauches, il a été question de savoir combien pourrait coûter la composition d’une chanson, l’idée fut vite abandonnée car l’équipe en place estima alors que si cela n’était pas un tube, ça n’en vaudrait pas la peine. Les responsables passèrent à autre chose et évoquèrent alors les noms de Steven Spielberg, Georges Lucas ou encore Francis Ford Coppola afin de tourner un film publicitaire. Là aussi, l’idée fut abandonnée car ces réalisateurs ne faisaient pas de films publicitaires. Mais Roger Enrico et son équipe semblaient tout proche de trouver la recette miracle pour cette campagne de pubs.
Dans un même temps, les équipes de Pepsi enquêtèrent auprès de leur consommateurs afin de connaître qui ils étaient vraiment et ce afin d’en sortir une nouvelle accroche publicitaire. Il réalisèrent ainsi que leur société était perçue comme une société jeune et aux idées neuves. Les consommateurs pensaient également que Pepsi étaient stimulant et novateur. C’est ainsi qu’ils trouvèrent le slogan « Pepsi. Le choix d’une Nouvelle Génération » même si au départ, Roger Enrico n’était pas totalement d’accord, trouvant le slogan un peu trop long.
Ne trouvant toujours pas l’idée qui concrétiserait ce fameux marketing de pointe, l’équipe de Pepsi marqua un peu le pas. C’est alors que comme le précise Roger Enrico dans son livre : « Nous sommes assis et réfléchissons, à la recherche d’un nouveau moyen de communication. Rien ne vient. Et puis, parce que les Dieux boivent Pepsi, le téléphone sonna. »
C’est Jay Coleman qui contacta alors Roger Enrico. Jay Coleman est alors à la tête de la société Rockbill qui met en contact les groupes de rock et les entreprises. Il est derrière le contrat des Rolling Stones avec les parfums Jovan en 1981 et il a travaillé avec Earth Wind and Fire et Rod Stewart pour n’en citer que quelques uns. L’entretien est bref, Jay Coleman parle de Don King et de la prochaine tournée de Michael Jackson et ses frères voyant en Pepsi le partenaire qui cadrerait bien avec ce projet. Si Roger Enrico connait la notoriété de Michael Jackson, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas au fait de son actualité. Cependant, en tant qu’ homme d’affaire digne de ce nom, à la question de savoir s’il a entendu « Thriller », le dernier tube de Michael Jackson, Roger répond que Oui, affirmant dans son livre qu’en fait il ment à son interlocuteur. Peu importe, Roger Enrico est intéressé et le rendez-vous est pris. Ce sera dès le lendemain matin.
Roger Enrico pense alors qu’il va trouver ainsi l’Evénement qui lancera la nouvelle campagne de pub de Pepsi. Après quelques discussions sur la société Rockbill et ses faits d’armes, Jay Coleman raconte alors avoir déjà essayé de contacter le département promotion de Pepsi-Cola qui lui avait répondu ne pas parrainer de tournées mondiales. Jay s’était alors rendu chez Coca-Cola qui avait également décliné l’offre de parrainage. Don King ayant mis la pression sur Coleman via une proposition d’une commission de 10% sur le montant du contrat, celui-ci décida d’ignorer la voie hiérarchique et d’appeler directement Roger Enrico.
Jay Coleman montre alors les clips de Beat It et de Billie Jean proposant quelque chose de durable et l’identification à un groupe cible. Roger Enrico est sur la même longueur d’onde et demande alors combien il va falloir débourser pour ce partenariat. Cinq millions de dollars ! répond Jay Coleman. La somme est exorbitante mais cela n’émeut pas le PDG de Pepsi. Il pense tout de suite qu’il ne le croit pas et que deux millions sera le maximum.
Roger Enrico veut Michael Jackson et demande alors une réunion avec Don King. Plus tard, il regardera à nouveau le clip de Beat It et le trouvera un peu violent. Il avoue cependant n’y connaître rien du tout dans la musique et ce sont les premiers clips qu’il voit dans sa vie. Cependant, il écrit alors dans son livre au sujet de Michael Jackson : « Il ne faut pas être grand clerc pour saisir la valeur de ce que nous regardons maintenant. Ce garçon n’est pas seulement un musicien. La musique est belle. Le rythme est sans faille… Mais avec Michael Jackson, tout est dans le spectacle. Coupez le son et vous bondissez encore de votre fauteuil… Le monde n’a jamais rien vu de pareil. Il est magique. Nous devons signer avec lui. »
La réunion avec Don King a alors lieu au siège de PepsiCo à Purchase. L’équipe de Roger Enrico est présente, Jay Coleman également, et Don King, dont la renommée et l’exubérance ne sont plus à raconter, fait son show. Selon lui Pepsi est la boisson de la lumière et de la vérité, l’élixir de vie. Grâce à lui, le monde le saura. Il apportera Pepsi jusqu’à la grande muraille de Chine ! Et même jusqu’au cœur de la jungle. Du Don King tout craché !
Les négociations commencent et sont rudes. Roger Enrico veut Michael Jackson mais cinq millions de dollars c’est trop. Personne n’a jamais eu autant pour un spot publicitaire. C’est exorbitant. Pour Don King, ça l’est effectivement, mais c’est le prix à payer car c’est ce que cela vaut. Et puis il faut faire vite car il n’est pas exclu que les hommes de loi de chez Michael Jackson aillent voir Coca-Cola. Roger Enrico dit alors être d’accord, persuadé que ses négociateurs arriveront à trois millions. Il n’en sera rien.
Pour cinq millions de dollars, Pepsi obtiendra les Jackson dans deux spots publicitaires, toute la tournée, et une présence personnelle aux conférences de presse. « Le choix d’une nouvelle génération » colle à merveille avec Michael Jackson et ses frères. Pour Roger Enrico c’est du béton, ces gens n’ont jamais touché à l’alcool, encore moins à la drogue. Ils sont très religieux. Un fort esprit de famille, pas de politique, pas de mauvaise surprise à attendre.
Le contrat est alors signé par Roger Enrico et Don King doit maintenant le faire signer à la famille Jackson. Passons l’impatience du PDG de Pepsi qui durera quelques jours, les signatures sont là, celles de Joe et Katherine, de Tito, Jermaine, Jackie, Marlon, Randy et, d’une grosse écriture qui remplit presque toute la page, celle de Michael Jackson.
L’histoire racontera que Michael n’avait pas immédiatement signé et qu’il avait l’impression qu’on lui forçait la main. Vous connaissez tous les détails du Victory Tour et le fait que cette tournée ne l’emballait pas.
Le temps est maintenant compté et il faut faire vite. En effet, Pepsi veut tout régler afin de sortir les spots publicitaires avant l’émission des Grammy Awards. Bob Gilardi, qui avait dirigé le clip de Beat It sera à la manœuvre. Les frères Jackson ont vu les maquettes, ils sont ravis. La conférence de presse a lieu à côté de Central Park et Roger Enrico rencontre alors Michael Jackson. Il pose la question dans son livre : « Que dit-on à Michael Jackson quand on le rencontre ? Sa timidité est contagieuse, alors nous restons l’un à côté de l’autre, sans dire grand chose. Tout à coup, Michael se penche et me dit à l’oreille: Roger, je vais faire en sorte que Coca-Cola ait envie d’être Pepsi. Michael, vos paroles résonnent comme une musique à mes oreilles. »
La conférence de presse sera diffusée sur de nombreuses chaînes de télévisions mais au grand dam de Roger Enrico, tous le monde ne parle que de Michael Jackson et le nom de Pepsi n’est pratiquement jamais évoqué. De plus, on lui rapporte quelques jours plus tard que Don King est devenu personna non grata auprès des Jackson (vous connaissez l’histoire) et que Michael serait en train de changer d’opinion sur le fait de faire de la pub.
L’équipe de Pepsi rencontre une fois de plus Michael Jackson avec un synopsis modifié et la cassette d’une chanson que l’agence a écrite et enregistrée par quelqu’un dont la voix ressemble à celle de Michael pour qu’il puisse se faire une idée. S’il trouve cela très bon, il n’aime cependant ni la musique, ni les spots ! Michael n’aime pas sa tête et trouve qu’il est tout le temps dans le champs. Il ne veut pas être montré plus de quelques secondes. Du côté de Pepsi, tous le monde panique et Roger Enrico le premier, surtout qu’il n’arrive pas à joindre Michael Jackson.
S’il arrive à avoir quelqu’un, c’est John Branca, qui lui avoue qu’il y a un problème et lui propose une solution. Cinq autre millions de dollars de plus et l’affaire est réglée mais ils faut faire vite car une autre offre est sur le bureau. Il s’agit de celle de Quaker Oats, la célèbre marque de céréales qui propose dix millions ! Manifestement, l’album Thriller cartonne et plus rien n’est maîtrisable. Pas de chance pour Pepsi, le fils d’un dirigeant de Quaker Oats adore Michael Jackson. Mais qui ne l’adore pas à cette époque là ?
Roger Enrico ne lâche pourtant pas l’affaire, il y va de son professionnalisme et prévient John Branca qu’il a un contrat et qu’il est avec eux. Et s’il faut aller en procès contre Quaker Oats, ils iront.
Une rencontre a alors lieu au domicile des Jackson avec l’équipe de Pepsi, Michael Jackson et John Branca. Michael explique alors que ce n’est pas qu’il veuille ne pas faire le spot mais qu’il y a de meilleures façons de le faire. S’il exige qu’on ne le voit pas plus de quatre secondes, il propose d’autres moyens que de le montrer en gros plan. « Utilisez mes symboles » dit-il « Filmez mes chaussettes, mes demi-guêtres, mon gant, mon allure, et, à la fin, braquez sur moi. » En revanche, comme il trouve que la chanson proposée n’a pas assez de punch, il propose gratuitement Billie Jean.
Pour Pepsi, tout semble rentrer dans l’ordre et Billie Jean est un véritablement cadeau car pour eux, ce n’est pas moins que LA chanson de l’année. Michael et se frères enregistrent les nouvelles paroles de Billie Jean façon Pepsi et les premières tractations pour les télévisions commencent. Avec MTV, un accord est pris pour diffuser le spot gratuitement du moment qu’ils ont l’exclusivité. C’est alors une première.
Mais alors que tout semble à nouveau rouler sur des roulettes, c’est le drame. Pepsi est en plein tournage du spot concert et ont réunis cinq mille figurants pour l’occasion. On prévient alors Roger Enrico au téléphone: Il y a eu un accident, Michael Jackson a été brûlé aux cheveux, Roger s’effondre. Après s’être renseigné sur l’état de santé de Michael Jackson, il veut faire quelque chose et donne instruction à ses collaborateurs de se rendre sur place et de faire savoir à Michael qu’ils sont là pour lui. Roger Enrico est alors épuisé et n’en dormira pas de la nuit. C’est une catastrophe. Un désastre.
Commercialement parlant, il pense que les fans de Michael ne toucheront plus jamais une bouteille de Pepsi, il y aura des poursuites judiciaires, c’est l’apocalypse.
Le temps passe et Michael Jackson va mieux. Les spots sont prêts et il les visionne. Nouveau problème pour Pepsi, Michael n’est pas satisfait. On le voit trop, on le voit trop tourner sur lui même, on lui a fait enlever ses lunettes de soleil alors qu’il ne voulait pas, le film est trop sombre, on le voit trop dans le concert. Roger Enrico comprend alors qu’en fait Michael est un perfectionniste, qu’il ne veut en rien rompre son contrat mais qu’en tant que génie créatif, il a la manie du détail. Pepsi répondra alors aux attentes de Michael Jackson et alors qu’il estime jouer sa carrière sur ce projet, le PDG de Pepsi USA arrive à avoir son accord pour diffuser les spots.
A l’occasion d’une soirée exceptionnelle, toute l’équipe de Roger Enrico diffuse les spots à leurs nombreux collaborateurs, des hourras se font alors entendre dans la salle de projection du théâtre du Lincoln Center, les gens applaudissent et applaudissent encore. C’est un succès.
Après la diffusion du spot « Street » au Lincoln Center, Roger Enrico avouera que dans ses rêves les plus fous, jamais il n’aurait imaginé que rien à quoi il apporterait son concours puisse obtenir une telle ovation. Et quand à la fin de la diffusion l’image se fixe sur Alfonso Ribeiro, le jeune qui danse à côté de Michael Jackson et qui a le point levé en l’air et le bonheur irradiant son visage, ce rayonnement s’illustre alors sur les deux mille visages du Lincoln Center.
Alfonso Ribeiro monte alors sur scène et montre comment faire le moonwalk. Tandis qu’il danse le long de la scène, Michael Jackson, en chair et en os, fait son entrée de l’autre côté de la scène et comme dans le spot, ils se heurtent au milieu. C’est une standing ovation. Michael enlève son chapeau, laissant apparaître une petite calotte là ou il a été brûlé et fait une révérence. Avec un sourire, il montre la calotte, une touche de classe dira Roger Enrico.
Le lendemain Pepsi fait la une, les stations de radio veulent des interviews en direct, les journalistes veulent des histoires des coulisses, les directeurs de revue veulent des photos et les programmes d’informations télévisées veulent des copies des spots publicitaires pour en parler parmi les informations les plus importantes.
Bien qu’un contrat d’exclusivité ait été signé avec MTV, la chaîne musicale acceptera que les chaînes d’informations diffusent des images, estimant que plus on en parlera, plus grande sera l’audience de MTV le soir de leur diffusion. C’est alors un événement majeur pour MTV qui élaborera un programme de trente minutes autour de la première des spots des Jackson. L’annonce sera celle-ci: « MTV présente une Première mondiale. »
La publicité dépasse totalement Pepsi, le Wall Street Journal fait sa première page et dans le New Hampshire un candidat à la course à la présidence des Etats-Unis se proclamera même comme le candidat de la « Nouvelle Génération ». Tout se concrétise et les gens de chez Pepsi doivent alors apprendre à devenir des mini-stars au vue des sollicitations passant par des émissions célèbres comme Good Morning America, Today The New York ou encore CBS Morning News.
Et les répercussions ne font que commencer ! Le soir, quand les spots des Jackson passent à la télé, la délinquance juvénile s’arrête, la consommation d’eau baisse nettement dans tous le pays car tous le monde est devant son téléviseur, le téléphone est à nouveau libre pour les parents puisque personne n’appellera à cette heure-ci. Mieux que ça, le jour suivant, la société d’études de publicité découvre que les spots Jackson pour Pepsi sont alors les plus mémorisés de toute l’histoire, deux fois plus que toute publicité antérieure. Le succès est total.
Quatre vingt trois millions de téléspectateurs regardèrent la grande soirée des Grammy. Michael Jackson y reçut les fameuses huit récompenses et Pepsi pouvait passer à la phase deux du contrat, avec le nom qu’elle promet: le Victory Tour.
A chaque passage des Jackson dans une ville, les ventes de Pepsi réagissent favorablement. Mais le moment de trouver un arrangement avec Michael Jackson au sujet de l’accident est venu et Roger Enrico reste inquiet car il estime que Michael avait bien le droit à des dommages et intérêts. La question qui restait à poser était de savoir qui allait payer et combien ?
Bonne nouvelle: Quelque soit la somme, Michael Jackson avait décidé de tout donner au Centre pour brûlés du Brotman Memorial Hospital où il fut soigné après ses blessures. Il décida également de rajouter de l’argent personnel et la proposition fut faite à Pepsi de s’y associer en donnant une conférence de presse commune à l’hôpital.
Avec sincérité, Roger Enrico ne manqua pas d’y dire beaucoup de bien de Michael Jackson qui reçut alors une plaque commémorative de la part du médecin-chef.
Roger Enrico raconte dans son livre qu’après une série de photos, Michael Jackson se pencha alors à son oreille et lui demanda: « Roger, tout ce cirque vous rend-il nerveux aussi ? »
Enrico raconte alors : « Tout au début de cette aventure, Michael m’avait glissé doucement à l’oreille: Je vais faire en sorte que Coke souhaite être Pepsi. Puis, il y a eu tous ces événements, tous ces gens et tous ces malentendus. Michael s’est toujours conduit en professionnel. Il a joué sa partition jusqu’au bout. Il a fait de la magie. Et, à la fin, nous nous retrouvions ensemble, Michael Jackson et Pepsi, dans cette cérémonie pour le moins inattendue. Quoi de plus naturel après tout! Oui, Michael, moi aussi, je suis nerveux. »
Et Coca-Cola dans tout ça ? Pepsi était dans une phase plus qu’ascendante et la publicité faite avec Michael Jackson porta ses fruits. D’ailleurs, forte de son expérience, Pepsi renouvellera plus tard sa collaboration avec des stars pour la publicité. La prochaine sera Lionel Richie. Là aussi cette initiative porta tous ses fruits et les ventes de Pepsi grimpèrent à nouveau.
A prendre autant de coups depuis que Michael Jackson avait signé avec Pepsi et rajouté à cela d’autres stratégies commerciales, Coca-Cola était en grande difficulté. Dans l’obligation de faire quelque chose, Coca-Cola promettait alors d’annoncer l’événement le plus important de l’histoire de la profession. Ils allaient changer la formule de leur colas après 99 ans d’existence. Pour Roger Enrico, c’était le signe que la célèbre marque américaine admettait sa défaite face à Pepsi. Leurs campagnes avaient réussi à mettre Coca-Cola à genoux.
Pepsi écrit alors une lettre à ses collaborateurs, les félicitant de cette victoire après 87 ans de lutte. La victoire est douce et le PDG de Pepsi décrète alors le vendredi comme un jour férié. Mais le meilleur est à venir. La nouvelle formule de Coca-Cola est un échec et les appels téléphoniques affluent de la part des revendeurs affirmant d’avoir jamais autant vendu de Pepsi de leur vie ! Coca-Cola et en train de connaître un désastre majeur. La part de marché de Coca-Cola tombe alors au niveau le plus bas de toute son histoire et une baisse des ventes est alors à hauteur de 625 millions de dollars.
90 jours après avoir changé sa formule, Coca-Cola admettait son échec et l’ancienne formule refit son apparition sous l’appellation Classic Coke. Nous sommes alors en 1985 et Roger Enrico peut être fier d’avoir gagné la guerre des colas contre le géant américain.
Comme vous vous en doutez, Coca-Cola reviendra d’année en année et regagnera sa place comme leader. Entre temps, Pepsi réalisera encore de belles batailles. Au printemps 1986, alors qu’il revient d’un voyage, Roger Enrico reçoit un appel de Jay Coleman, vous vous souvenez ? le gars de Rockbill: « Allo Roger ? Vous êtes assis ? J’ai eu un appel de Frank Dileo et John Branca. Michael Jackson souhaite faire de nouveaux spots avec Pepsi. »
Michael Jackson était en pleine préparation de son album BAD et allait faire une tournée mondiale, vous connaissez l’histoire. Frank Dileo et John Branca voulaient passer un gros contrat pour lui.
Vous vous doutez bien que si le livre est sorti en 1986, le récit de l’histoire s’arrêtera là. Il n’en demeure pas moins que Roger Enrico racontera encore dans les dernières lignes une nouvelle rencontre avec Michael Jackson au sujet de cette nouvelle collaboration qui donnera lieu aux spots publicitaires que vous connaissez bien. Il lui présente ses idées de spots pour 1987 et Michael Jackson s’enflamme aussitôt.
Roger Enrico raconte à propos de son idée : Je ne peux vous la dévoiler… après tout, le suspense est la moitié du plaisir… mais elle est extrêmement difficile à exécuter. Pour réussir, elle exige Michael Jackson et un metteur en scène de tout premier plan. Personne n’a jamais rien fait de semblable auparavant, et si nous pouvons y arriver, ce sera une équipe fantastique. Roger, dit Michael, cette fois, nous embraserons le monde. Rassurez-vous, il ne le disait pas au sens propre. Quand je lui soumets la seconde idée, elle l’émeut jusqu’au fond de l’âme, car elle profitera à des millions d’êtres humains. Mais là encore, chut !
Au mois de mai 1986 une nouvelle conférence de presse pour annoncer le deuxième contrat avec Michael Jackson a lieu au Red Parrot Club de New York. Vous connaissez la suite.
Si nous avons choisi de vous raconter cette stupéfiante histoire de la bataille entre Pepsi et Coca-Cola racontée par Roger Enrico, sachez que nous avons volontairement omis quelques détails afin que vous puissiez les découvrir par vous-même à la lecture du livre du PDG de Pepsi. Cet ouvrage a d’ailleurs été traduit dans plusieurs langues et vous le trouverez chez les revendeurs habituels de livres d’occasion comme abebooks.
Roger Enrico est décédé en 2016, à l’âge de 71 ans. S’il était entré chez PepsiCo en 1971, il devint le PDG de la branche Pepsi USA en 1983, à l’âge de 38 ans. La bataille qu’il mena contre Coca-Cola à partir de cette date fut redoutable pour le géant américain. Roger Enrico sera promu président de PepsiCo de 1996 à 2001 et fut ensuite président de DreamWorks Animation (la société fondée par Steven Spielberg, Jeffrez Katsenberg et David Geffen) de 2004 à 2012.
En France, son livre fut préfacé par Bernard Dubois, professeur à HEC et à l’ISA. Il s’adressait aux cadres et responsables d’entreprises en leur expliquant que Roger Enrico y apporte des principes stratégiques choc dont tout l’art tient dans la mise en oeuvre: Chez Pepsi, nous savons que la façon de devenir n°1 est de toujours penser comme le n°2 .
S’il vous venait d’acquérir un exemplaire de ce livre, vous ne serez pas déçus d’apprendre ce passage de l’histoire des débuts de Michael Jackson avec Pepsi ainsi que toute l’histoire professionnelle de Roger Enrico.
Il aurait été intéressant de découvrir un second ouvrage faisant suite à celui-ci, mais Roger Enrico explique les sacrifices qu’a du subir sa famille à cause de tous le temps qu’il a passé à rédiger ce livre. Il termine donc sa narration en ces termes: « … Je m’engage à ne plus écrire un livre et diriger une entreprise en même temps. J’en fais le serment. »
Pour finir ce petit retour dans les années 80, voici quelques liens You Tube vers les vidéos de cette période en lien avec cette aventure Pepsi.
Pub Michael Jackson Pepsi Generation version Street
Pub Michael Jackson Pepsi Convention version Concert
MTV première interview Bob Gilardi (réalisateur des clips Beat It et Say Say Say) avant la diffusion pour la toute première fois de la pub Pepsi.
Compilation d’images de la période racontée