Le magazine Rock & Soul du 25 mars 1983 faisait sa UNE avec Michael Jackson et lui consacre deux articles. Le premier de Carl Nelson intitulé: « Les lecteurs de Rock & Soul ont désigné Michael Jackson Artiste Soul Le Plus Populaire de l’année 1982 ! » , sur trois pages, et le second de Charley Crespo intitulé: « Les Jackson Five se reforment ! » , sur deux pages.

Premier article: Les lecteurs de Rock & Soul ont désigné Michael Jackson Artiste Soul Le Plus Populaire de l’année 1982 !

Par Carl Nelson

Alors que Quincy Jones parlait de l’album qu’il venait de boucler avec Michael Jackson, Michael bougeait, l’air mal à l’aise, sur sa chaise. En regardant Michael se tortiller, on pourrait presque penser que les mots de Q avaient tout de l’insulte calomnieuse.

« Michael est l’essence même de ce que doit être un interprète et un artiste », dit Jones devant un parterre de journalistes. « Il a tout ce qu’il faut émotionnellement, et il a en outre toute la discipline et tout le rythme qu’il faut. Il ne s’épuisera jamais. Je dois dire que je suis un agent instructeur plutôt bon quand il s’agit de diriger un projet, mais dans le cas de Michael ce n’est pas nécessaire. Il est toujours sur le coup quand il s’agit de savoir quelle direction prendre et comment évoluer ».

« Et il est si vif ! », a continué Quincy, tout en jetant un petit coup d’œil en direction de son copain pour voir comment il réagissait. Michael faisait de son mieux pour sourire, parce qu’il savait l’importance de bien paraître en public, mais ce sourire avait l’air assez transparent. Ses yeux étaient en train de crier : « A l’aide ! », donc Quincy a essayé d’accélérer le mouvement. « Il est capable de se présenter à une session d’enregistrement, d’enregistrer deux parties principales et trois segments de chœurs en une seule journée. Il travaille aussi à la maison, il répète et travaille très dur une fois rentré chez lui. La plupart des chanteurs veulent tout faire en studio – écrire les paroles et la musique, trouver les harmonies, essayer différentes approches sur une chanson. Le genre de chose qui me rend dingue. Moi tout ce que je vois, c’est le signe du ‘dollar’ qui défile devant mes yeux. Le temps passé en studio coûte extrêmement cher, et c’est pour cette raison qu’un artiste comme Michael est l’artiste rêvé pour les producteurs ! Il arrive en étant préparé ! Nous accomplissons tellement en une seule session, je suis bluffé. Beaucoup d’artistes sont tout simplement paresseux. A mon avis, Michael va être la star des années 80 et 90 », a-t-il ajouté en cherchant encore une fois Michael du regard.

Plusieurs journalistes se sont mis à crier leurs questions, pensant que Quincy avait fini de parler. Q ne les a jamais entendues. Un sourire chaleureux et encourageant a traversé son visage quand Michael a finalement arrêté de fixer ses chaussures et a osé un solide contact visuel avec l’homme qu’il admirait depuis si longtemps.

Dans l’intervalle, mon esprit était retourné en août 1977 quand j’ai eu une longue et intime discussion avec Michael. Il envisageait d’accepter un rôle dans un film, The Wiz, et son principal attrait pour y participer était le fait qu’un homme qu’il vénérait littéralement depuis toujours – Quincy Jones – avait été engagé pour en faire la bande musicale. Habituellement ultra-conservateur dans sa gestuelle pendant les interviews, j’ai failli m’évanouir tant j’étais sous le choc quand Michael m’a attrapé le bras et a secoué tout mon corps (« down to the ground ? ») en me soufflant avec excitation : « Est-ce que vous pouvez y croire ?? Quincy Jones ! Il est géniaaaaaaaal ! ».

Mon esprit est vite revenu au présent alors que Quincy répondait à une autre question à propos du nouvel album de Michael, et qu’il évoquait les « paroles bizarres » de Michael et son approche personnelle distante avec son interprétation des paroles.

« Il a un côté extrêmement dramatique, il est très concis », a dit Quincy. « Quand il a une idée en tête pour une chanson, il va jusqu’au bout, comme quand il a réellement pleuré à la fin de She’s Out Of My Life. Paul McCartney a été très impressionné par cette qualité qu’a Michael, lui aussi. Michael a la présence d’esprit de ressentir les choses, de les concevoir, et de leur donner vie, il y a un long cheminement entre l’idée et son exécution. Je dis toujours aux gens : ‘Tout le monde veut aller au paradis, mais personne ne veut mourir !’. Michael est quelqu’un qui aime prendre des risques ! Il est prêt à mourir !’. Il est vraiment talentueux ; il n’y a que quelques gars qui sortent du lot. Quand j’ai rencontré Stevie Wonder à l’âge de 15 ans, il n’y avait aucun doute sur ce qu’il allait devenir. Michael aussi avait ce truc ».

Les journalistes suivaient le regard de Quincy pour trouver Michael. Il était parti. Plusieurs journalistes se sont précipités vers la porte pour tenter de l’arrêter. Quincy a jeté sa tête en arrière et a éclaté de rire, toujours amusé par les agissements de Michael.

Cette sortie rapide conduisait à se demander quel prix la célébrité avait eu pour Michael. Il y a toujours eu beaucoup d’histoires autour de sa solitude, des nuits passées à marcher dans son quartier en espérant trouver quelqu’un qui se fiche de savoir qu’il est Michael Jackson, l’enfant prodige. Tout le monde connaît la propriété d’Encino, en Californie, où il vit avec sa famille. Dans cette propriété, il a installé un studio, une salle de jeux, un cinéma privé, un terrain de basket, une piscine – en gros, « tout ce qui me permet de ne pas trop sortir. J’ai toujours pensé que quand on ne veut pas voyager, on doit avoir tout ce que l’on veut à portée de main ».

Même si de nombreuses questions concernant les relations personnelles de Michael ont été soulevées, très peu d’entre elles ont recueilli une réponse. Quand Rock & Soul a questionné Stephanie Mills à propos des rumeurs disant qu’elle et Jackson étaient très proches l’un de l’autre, elle y a mis fin immédiatement. « Juste amis », a-t-elle répondu catégoriquement.

D’autres histoires n’ont pas été aussi faciles à contourner. S’il est assez étrange de constater que les rencontres de Michael ne font pas la une des journaux people, il n’est cependant pas rare de voir la presse spéculer sur tout, de sa dernière âme sœur à son sex-appeal.

« Il s’agit d’une terrible invasion de la vie privée », nous a récemment confié un journaliste ami de longue date. « La solitude ou l’absence de solitude des uns et des autres est mâchée puis recrachée comme un vieux chewing-gum. Qu’en est-il de la grande timidité de Michael ? J’ai toujours pensé que ses acrobaties sur scène étaient un moyen d’exorciser une douloureuse timidité. Et qui se soucie de ses romances ? Il est secret à propos de tout. Pourquoi insister sur cet aspect particulier de sa personnalité ? Est-ce que ce ne serait pas bizarre qu’il soit secret à propos de tout et qu’il fasse étalage de sa vie amoureuse ? »

« Michael a toujours été cohérent dans la façon dont il se comporte en public », a continué son ami. « Je n’ai aucune idée de ce qu’il fait en privé, et personne ne sait ce qu’il fait, même ceux qui écrivent sur lui. Et c’est le but ! Il est comme une page blanche, chacun peut écrire sur lui tous les fantasmes que l’on peut avoir à son sujet. Certaines célébrités révèlent des choses sur elles-mêmes, leur mariage, leurs combats, leurs arrangements, tout. Mais Michael ne le fait pas, donc la presse peut s’en donner à cœur joie avec lui. C’est tellement facile ».

« Ce n’est pas comme si je ne parlais pas du tout », a soupiré Michael en se faufilant lentement dans la Mercedes qui l’attendait. « Je suis prisonnier de moi-même. J’ai peur de montrer tout mon potentiel, comme le personnage que je joue dans The Wiz ».

« Je m’anime vraiment lorsque je monte sur scène, lorsque j’entre en studio ou lorsque je fais un film », a-t-il continué. « Je suis confiant et offensif, mais ce n’est vraiment pas difficile pour moi. Sur scène je joue un rôle, je sais ce que l’on attend de moi et ce que j’ai à faire. Tout est très planifié. Mais la vie n’est pas planifiée, elle est imprévisible. Et ça m’effraie ! C’est tellement plus difficile que d’être sur scène ».

« Un jour, Q m’a invité à une fête qu’il organisait chez lui à Bel Air. Je conduisais, et en arrivant j’ai vu toutes ces voitures garées dans son allée, et tout ce que je sais c’est que je suis reparti. Trop de monde à voir. C’est tout moi ! Qu’est-ce que je peux y faire ? ».

« Tout ce que je dois au public, c’est de faire un bon spectacle, de lui procurer de la bonne musique et le meilleur de mon talent. Et Dieu sait qu’ils l’ont, et qu’ils l’auront toujours ! »

Second article: Les Jackson Five se reforment !

Jermaine Jackson révèle que des réunions secrètes sont en cours !

Par Charley Crespo

Et maintenant, la grande nouvelle ! Selon Jermaine Jackson, les Jackson Five vont enfin se reformer pour une série de concerts dans des stades cet été !

« Nous sommes sérieusement en train d’évoquer une tournée de la famille des Jackson Five », a déclaré Jermaine à Rock & Soul. « Michael est actuellement en studio pour faire un album solo avec Quincy Jones. Et juste après, il enchaîne avec un nouvel album des Jacksons avec les frères. Puis je sortirai mon nouvel album. Nous allons avoir de la matière pour ça ! ».

Cette tournée qui est prévue marquera la première apparition sur scène de Jermaine depuis qu’il a quitté les Jackson Five en 1975. Depuis, le groupe, rebaptisé The Jacksons, avait inclus le plus jeune des frères, Randy, et avait fait perdurer l’héritage des Jackson. Bien que Jermaine ait sorti sept albums dans les années qui ont suivi, sa carrière a échoué : il n’a fait aucune tournée et il n’a eu que quelques succès aux Etats-Unis : Let’s Get Serious, You Like Me, Don’t You, et cette année Let Me Tickle Your Fancy. Jermaine dit que ces retrouvailles sont un événement qu’il attend depuis sept ans.

« C’est vraiment génial », a-t-il dit de sa typique voix douce. « Eux aussi sont vraiment très excités à cette idée. Nous nous sommes réunis et nous avons discuté, tout en sachant pertinemment que nous n’avions jamais eu à faire ça par le passé. Mais maintenant que nous sommes plus âgés, nous pouvons parler et venir avec nos idées ».

Les membres de la famille Jackson sont devenus des superstars quand Diana Ross a présenté Jackie, Tito, Jermaine, Marlon et Michael Jackson comme étant les Jackson Five, chanteurs et danseurs, en 1969. I Want You Back, ABC, The Love You Save et certains autres tubes ont fait de cette équipe, originaire de Gary dans l’Indiana, une famille régnant sur tout le show business. L’année 1975 a cependant été marquée par l’expiration des contrats avec Motown, la maison de disques qui avait fourni son premier tube au groupe. Les Jackson avaient alors signé chez Epic Records, une grande compagnie qui avait pu surenchérir par rapport à l’offre de Motown. Jermaine avait néanmoins choisi de rester chez Motown, insistant sur le fait que sa décision n’avait pas été influencée par son mariage avec Hazel Gordy, la fille du président de Motown, Berry Gordy.

« La façon dont j’ai appris la nouvelle à propos du départ de mes frères a vraiment été quelque chose », a déclaré Jermaine à Rock & Soul. « Mon père m’a appelé un jour, j’étais parti faire du camping avec Barry White, et il m’a dit de rentrer à la maison sans Hazel. Je me suis dit : ‘Il doit se passer quelque chose’, donc je suis rentré. Il m’a demandé de le rejoindre dans sa chambre ».

« C’était la première fois que j’apprenais cette nouvelle. J’avais entendu des rumeurs – on disait que mes frères allaient partir – mais ils ont vraiment gardé le secret vis-à-vis de moi. Je suis donc allé dans la chambre de mon père et tous les contrats étaient étalés sur le lit. Mes frères avaient tous signé. Il m’a donné un contrat et il m’a dit : ‘Signe-le’. »

« J’ai dit : ‘Non, je ne le signerai pas’, comme ça. C’est ce qui a lancé les choses. J’ai dit que je voulais que des conseillers le regardent. C’est à ce moment-là que mes frères ont senti que j’allais les quitter, et ils avaient raison. La façon dont nous avions été élevés fait qu’ils savaient que je faisais partie de la famille de Berry, mais je faisais ce qui me semblait juste. J’en ai toujours le sentiment et je ne l’ai jamais regretté, pas un seul jour ».

« Certaines choses ont commencé à se passer », a continué Jermaine. « Ils avaient l’impression que je les rejoindrais plus tard. Ils ont fait en sorte que certaines personnes fassent pression sur moi pour que je chante, mais j’ai toujours continué à dire non. Michael m’a appelé une fois de Old Westbury, où ils donnaient un spectacle. Il voulait que je vienne et que je l’aide à chanter certaines chansons, parce que c’était trop stressant pour lui. Quand je suis allé à New York, des gens de chez CBS me tournaient autour. Ils voulaient vraiment que je rejoigne le groupe, parce qu’ils ne savaient pas si mon départ allait changer quelque chose ou pas. Et ça n’a rien changé, parce que Randy m’a remplacé ».

« Je leur faisais une faveur en partant. Quand j’étais là-bas, j’ai été attaqué par tous ces dirigeants de CBS. J’ai dû me faufiler hors de l’hôtel tôt le lendemain matin pour rentrer chez moi ».

« Je peux en parler très librement parce que c’est quelque chose qui est arrivé et qui restera toujours dans mon esprit, mais je n’en garde aucune rancune. C’était un point très sensible. Quand j’étais plus jeune, je n’avais aucune idée de ce que représentait le fait d’avoir des responsabilités et de prendre des décisions, mais je l’ai fait et je m’y suis tenu ».

Les blessures sont maintenant guéries, et la famille Jackson est aujourd’hui plus proche que jamais. Tous les frères Jackson se réunissent une fois par semaine pour jouer au baseball ou aller pêcher sur le yacht de Jermaine. Ils travaillent aussi ensemble sur des musiques et sur plusieurs combinaisons. Jermaine a indiqué qu’il avait récemment joué de la basse sur une chanson sur laquelle travaillait Jackie dans le studio qu’ils avaient construit au domicile de leurs parents.

Le vrai premier signe d’une série de concerts de retrouvailles est venu juste après la tournée des Jacksons en 1981. Des dessins sur la mise en scène avaient déjà été faits en concertation avec Jermaine, mais les managers et les obligations contractuelles ont finalement empêché les Jackson Five de se réunir de la façon souhaitée par tous les membres. Selon Jermaine, le management des Jacksons voulait qu’il intègre le groupe en tant que bassiste, plutôt que d’avoir recours à un invité. Entretemps, Motown avait rappelé à Jermaine qu’il leur devait encore un album solo. En dehors du public, il semble que les seuls qui voulaient ces retrouvailles étaient les membres de la famille Jackson eux-mêmes.

« Cette fois, nous agirons seuls », a dit Jermaine. « Jusque-là, nous n’avons fait appel à aucun manager. Nous cherchons par nous-mêmes ce que nous voulons faire, et c’est ce que nous voulons vraiment faire. Nous nous voyons pour reconstituer le groupe, plutôt que d’écouter un gars nous dire : ‘Je ne vous vois pas faire ceci ou cela’. ».

« C’est ce qui complique les choses. Pourquoi devrions-nous avoir des managers qui nous diraient ce que nous devrions faire ? Nous sommes frères ! Nous disons juste que nous allons le faire, et que nous allons faire la tournée des stades. Nous voulons tout filmer. Nous allons nous entourer des meilleurs. Nous sommes dans le milieu depuis suffisamment longtemps pour savoir qui est qui ».

Puis le téléphone a sonné. Jermaine était tellement enthousiaste en parlant des concerts qu’il n’a même pas tendu la main pour décrocher. Il a juste laissé sonner.

« Notre dernier concert était à Las Vegas en 1975 », a-t-il dit. Puis il a ajouté après avoir pris une pause : « Ça fait longtemps. Pourtant on n’a pas l’impression que ça fait si longtemps. Mon Dieu, le temps passe ! ».

Source: Rock & soul – 25 mars 1983 – http://www.the-michael-jackson-archives.com

Traduction: Pretty Young Cat